Un exemple classique de la destruction de la souveraineté alimentaire
15/04/2010
- Opinión
Berceau de la culture du maïs, le Mexique est un exemple classique de la destruction de sa souveraineté alimentaire. Au début de l’année 2007, la crise de la tortilla — une brutale augmentation de son prix de 60 % du fait de l’augmentation du coût du maïs, son composant essentiel — a poussé le Mexique au bord de la crise économique, alarmant le monde entier. Les subventions du gouvernement états-unien à la production des biocarburants ont fait qu’il devenait plus rentable d’utiliser le maïs pour la production de l’éthanol que pour l’alimentation, ce qui a poussé son prix vers le haut.
Mais la crise de la tortilla, comme la crise alimentaire actuelle, ne peut être comprise sans analyser l’impact des politiques du marché libre imposées par la Banque mondiale, le FMI et Washington au cours des dernières années. Ces politiques ont transformé le Mexique en une économie d’importation dépendante du riz états-unien.
En août 1982 le gouvernement mexicain s’est déclaré insolvable pour payer la dette extérieure mais la situation de crise économique et sociale l’a obligé de s’endetter encore auprès des banques commerciales et des institutions internationales. En échange des fonds empruntés pour faire face au service de sa dette, le FMI et la Banque mondiale ont imposé des conditions au Mexique, à travers un Programme d’ajustement structurel, entre autres : l’ouverture de ses marchés, l’élimination des tarifs douaniers et des règlements étatiques, la contraction des dépenses publiques, le démantèlement du système étatique du crédit, des subventions à la production agricole et la suppression du contrôle des prix, la fin des services étatiques d’approvisionnement, de la commercialisation, du stockage et d’assurance des cultures.
Ce coup de force a été suivi d’un autre, encore plus brutal : l’entrée en vigueur le 1er janvier 1994 de l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALÉNA), ayant abouti à l’afflux massif du maïs états-unien fortement subventionné qui a inondé le marché mexicain et plongé son secteur agricole dans une crise profonde.
Avec la liquidation de l’Office étatique de commercialisation du maïs, sa distribution — qu’il soit produit localement ou importé des États-Unis — est passée sous le contrôle de quelques entreprises transnationales, comme Cargill et Maseca, qui ont une grande capacité de spéculation sur le marché mondial. Ce monopole leur permet, par exemple, d’éviter que la hausse du prix mondial ne se traduise par une augmentation du prix payé aux petits producteurs locaux. Cette situation a généré un abandon massif de la campagne mexicaine par les petits producteurs de maïs et de riz, par les petits éleveurs, etc., qui ont été expulsés vers les bidonvilles, incapables de tenir la concurrence face aux produits états-uniens subventionnés. On estime qu’environs 1,3 million de paysans ont quitté les campagnes, une partie importante d’entre eux émigrant aux États-Unis, huit ans après l’entrée en vigueur de l’ALÉNA |1|.
Les cas du Mexique est loin d’être isolé. Il peut être extrapolé à de nombreux autres pays du Sud, où l’application systématique des politiques néo-libérales au cours des dernières années a non seulement démantelé un système autochtone de production agricole, d’élevage et d’alimentation, mais a aussi liquidé toute protection de leurs communautés, de leurs industries et des services publics. Ainsi, en se fondant sur les mêmes préceptes, la Banque mondiale a proposée de supprimer la production du riz au Sri Lanka — une culture traditionnelle depuis plus de trois mille ans et le fondement de l’alimentation locale — car il serait moins cher de l’importer du Viêt Nam ou de la Thaïlande |2|. La restructuration économique néo-libérale tout au long des années 1990 aux Philippines a transformé ce pays d’exportateur net d’aliments en plus grand importateur mondial de riz, qui achète chaque année sur le marché mondial entre un et deux millions de tonnes pour sa demande interne |3|. La logique du marché libre a condamné ce pays à une spirale de domination et de misère.
* Article extrait de Contradictions du système alimentaire mondial, à Inprecor, décembre 2009 – janvier 2010, n° 556-557, p. 22.
** Esther Vivas a publié en français En campagne contre la dette (Syllepse, 2008), est coordinatrice des livres en espagnol Supermarchés, non merci et Où va le commerce équitable?, membre de la rédaction de la revue Viento Sur.
+ info: http://esthervivas.wordpress.com/francais/
Notes
|1| Polaski S., Mexican employment, productivity and income a decade after NAFTA, http://www.carnegieendowment.org/publications/index.cfm?fa=view&id=1473
|2| Houtart F., L’altermondialisme et les Forums sociaux, Introduction au Forum social congolais, http://www.forumsocialmundial.org.br/noticias_textos.php?cd_news=415
|3| Bello W., Cómo fabricar una crisis alimentaria global: Lecciones del Banco Mundial, el Fondo Monetario Internacional y la Organización Mundial del Comercio, http://www.rebelion.org/noticia.php?id=68536
Mais la crise de la tortilla, comme la crise alimentaire actuelle, ne peut être comprise sans analyser l’impact des politiques du marché libre imposées par la Banque mondiale, le FMI et Washington au cours des dernières années. Ces politiques ont transformé le Mexique en une économie d’importation dépendante du riz états-unien.
En août 1982 le gouvernement mexicain s’est déclaré insolvable pour payer la dette extérieure mais la situation de crise économique et sociale l’a obligé de s’endetter encore auprès des banques commerciales et des institutions internationales. En échange des fonds empruntés pour faire face au service de sa dette, le FMI et la Banque mondiale ont imposé des conditions au Mexique, à travers un Programme d’ajustement structurel, entre autres : l’ouverture de ses marchés, l’élimination des tarifs douaniers et des règlements étatiques, la contraction des dépenses publiques, le démantèlement du système étatique du crédit, des subventions à la production agricole et la suppression du contrôle des prix, la fin des services étatiques d’approvisionnement, de la commercialisation, du stockage et d’assurance des cultures.
Ce coup de force a été suivi d’un autre, encore plus brutal : l’entrée en vigueur le 1er janvier 1994 de l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALÉNA), ayant abouti à l’afflux massif du maïs états-unien fortement subventionné qui a inondé le marché mexicain et plongé son secteur agricole dans une crise profonde.
Avec la liquidation de l’Office étatique de commercialisation du maïs, sa distribution — qu’il soit produit localement ou importé des États-Unis — est passée sous le contrôle de quelques entreprises transnationales, comme Cargill et Maseca, qui ont une grande capacité de spéculation sur le marché mondial. Ce monopole leur permet, par exemple, d’éviter que la hausse du prix mondial ne se traduise par une augmentation du prix payé aux petits producteurs locaux. Cette situation a généré un abandon massif de la campagne mexicaine par les petits producteurs de maïs et de riz, par les petits éleveurs, etc., qui ont été expulsés vers les bidonvilles, incapables de tenir la concurrence face aux produits états-uniens subventionnés. On estime qu’environs 1,3 million de paysans ont quitté les campagnes, une partie importante d’entre eux émigrant aux États-Unis, huit ans après l’entrée en vigueur de l’ALÉNA |1|.
Les cas du Mexique est loin d’être isolé. Il peut être extrapolé à de nombreux autres pays du Sud, où l’application systématique des politiques néo-libérales au cours des dernières années a non seulement démantelé un système autochtone de production agricole, d’élevage et d’alimentation, mais a aussi liquidé toute protection de leurs communautés, de leurs industries et des services publics. Ainsi, en se fondant sur les mêmes préceptes, la Banque mondiale a proposée de supprimer la production du riz au Sri Lanka — une culture traditionnelle depuis plus de trois mille ans et le fondement de l’alimentation locale — car il serait moins cher de l’importer du Viêt Nam ou de la Thaïlande |2|. La restructuration économique néo-libérale tout au long des années 1990 aux Philippines a transformé ce pays d’exportateur net d’aliments en plus grand importateur mondial de riz, qui achète chaque année sur le marché mondial entre un et deux millions de tonnes pour sa demande interne |3|. La logique du marché libre a condamné ce pays à une spirale de domination et de misère.
* Article extrait de Contradictions du système alimentaire mondial, à Inprecor, décembre 2009 – janvier 2010, n° 556-557, p. 22.
** Esther Vivas a publié en français En campagne contre la dette (Syllepse, 2008), est coordinatrice des livres en espagnol Supermarchés, non merci et Où va le commerce équitable?, membre de la rédaction de la revue Viento Sur.
+ info: http://esthervivas.wordpress.com/francais/
Notes
|1| Polaski S., Mexican employment, productivity and income a decade after NAFTA, http://www.carnegieendowment.org/publications/index.cfm?fa=view&id=1473
|2| Houtart F., L’altermondialisme et les Forums sociaux, Introduction au Forum social congolais, http://www.forumsocialmundial.org.br/noticias_textos.php?cd_news=415
|3| Bello W., Cómo fabricar una crisis alimentaria global: Lecciones del Banco Mundial, el Fondo Monetario Internacional y la Organización Mundial del Comercio, http://www.rebelion.org/noticia.php?id=68536
https://www.alainet.org/pt/node/140713?language=es
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