Vía Campesina : la FAO déclare la guerre aux paysans

23/06/2004
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La Vía Campesina, le plus grand réseau mondial de mouvements de paysans et d'agriculteurs familiaux, a condamné énergiquement hier le rapport 2004 de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) intitulé "Les biotechnologies, une réponse aux besoins des plus démunis ?". La Via Campesina considère que ce rapport constitue un soutien éhonté à l'industrie des organismes transgéniques et que, dans ce sens, il sape le travail en faveur de la souveraineté alimentaire des paysans et des paysannes du monde entier et plus particulièrement de ceux des pays du Sud. La protestation, qui a été approuvée unanimement et applaudie lors de la séance plénière du IVe Congrès de la Vía Campesina qui se tient à Itaici au Brésil du 14 au 20 juin et réunit pratiquement 500 délégués de 80 pays, a été suivie de la remise d'une lettre ouverte au directeur de la FAO à Rome, Jacques Diouf. Cette lettre ouverte est signée par plus de 650 mouvements et organisations de la société civile et 850 personnalités et individus du monde entier. De manière significative, elle s'intitule " la FAO déclare la guerre aux agriculteurs et non à la faim". (voir http://www.grain.org/nfg/ ?id=181) Le rapport de la FAO a été rédigé sans aucune consultation auprès des organisations paysannes ou de petits agriculteurs, "mais paraît cependant avoir été amplement débattu avec l'industrie" affirme cette lettre ouverte qui a aussi été signée par la Vía Campesina. Ce document se base sur des données erronées et des informations tendancieuses et abouti à des conclusions déplorables. Se basant sur des informations provenant de ceux qui font commerce des transgéniques, il soutient que la biotechnologie serait la solution pour éradiquer la faim dans le monde et répondre à la demande croissante d'aliments due à l'augmentation de la population mondiale. Il ajoute que l'unique problème consiste dans le fait que les transgéniques n'arrivent pas aux pauvres parce que les recherches n'ont jamais porté sur des cultures essentielles pour les paysans du Sud telles que le teff, le millet et le tapioca (en ignorant ainsi toutes les preuves des problèmes environnementaux et de santé). La FAO reconnaît que l'industrie biotechnologique est fortement concentrée au sein de quelques entreprises gigantesques qui ne sont intéressées que par le profit. Ainsi, le rapport affirme qu'une recherche publique devrait être menée mais que, étant donné que cela est impossible, pour que les transnationales puissent manipuler génétiquement les cultures des paysans du Sud sans perte, les pays devraient leur donner des garanties qu'ils ne "pilleront pas leurs recherches", étendre le système de brevets et utiliser la technologie Terminator qui produit des semences "suicides" (stériles lors de la seconde génération). En d'autres termes, premièrement ils "biopiratent" nos cultures grâce au système de brevets et ensuite ils disent que si nous ne respectons pas leurs brevets, nous les volons. Le rapport ne se base pas sur des sources scientifiques indépendantes et ne compare même pas les différentes données disponibles mais se base uniquement sur les "études" des entreprises biotechnologiques. Par exemple, le rapport affirme que le coton transgénique insecticide (Bt) a été un succès en Inde en se basant sur des données partielles des essais de Monsanto en 2001 mais ne prend pas en compte les faits réels de la culture de ce coton transgénique en 2002 qui démontrent que celle-ci a été un désastre. La proposition de la FAO consiste en une "technologisation" des cultures paysannes afin d'éradiquer la faim dans le monde en ignorant intentionnellement le fait que l'on produit déjà plus de deux kilos par personne et par jour alors que la moitié de la planète continue à souffrir de la faim, de malnutrition et de carences alimentaires. Selon la lettre ouverte, la faim n'a rien à voir avec la technologie mais bien avec l'injustice sociale, le manque d'accès et de contrôle sur la distribution aux mains des entreprises multinationales. Les propositions de la FAO aggravent encore cette situation. "Les multinationales souhaitent manipuler nos cultures pour pouvoir contrôler toute la chaîne alimentaire au niveau mondial en nous obligeant à produire des aliments - y compris au niveau local - et nous obliger à consommer leurs produits dans le monde entier" a déclaré Paul Nicholson au cours de la troisième journée du Congrès de la Vía Campesina. Il a ajouté que "nous rejetons ce rapport et, lors de ce Congrès, nous envisagerons nos stratégies face à cette agence des Nations Unies et à d'autres. Ils nous montrent à présent leur véritable visage : ils prétendent être des organismes publics mais en réalité ils réalisent un travail de légitimation des entreprises multinationales qui font la promotion d'une agriculture industrielle et l'expulsion des paysans, complétant ainsi le travail dévastateur et agressif mené contre les pauvres par l'Organisation mondiale du commerce, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international". Pour la Vía Campesina, la voie à suivre est claire : il ne s'agit pas de demander des concessions à aucune de ces institutions mais bien de continuer à travailler avec la base, au sein de réseaux horizontaux et divers, intégrant des paysans, des indigènes, des communautés noires, des femmes et des jeunes, en promouvant la désobéissance civile et en réaffirmant la diversité culturelle grâce à la récupération de terres, le sauvetage et la défense de leurs semences, la lutte et la dénonciation des conditions imposées par les institutions multilatérales ainsi que grâce à beaucoup d'autres actions. Mondialiser la lutte pour généraliser l'espoir. Déclaration de la Vía Campesina sur le rapport de la FAO (21/5/2004) http://www.viacampesina.org/art_fr.php3 ?id_article=465 Traduction : Anne Vereecken, pour RISAL.
https://www.alainet.org/pt/node/110800?language=en
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