Volatilité, incertitude et silence
- Opinión
P-au-P., 10 févr. 2019 [AlterPresse] --- La situation demeure volatile et incertaine en Haïti au quatrième jour d’un mouvement majeur de manifestations et de blocages, à travers le pays, contre le président Jovenel Moïse, la détérioration accélérée des conditions de vie et la corruption.
Alors que le pouvoir paraît complètement absent, les activités étaient extrêmement timides dimanche en première partie de la journée et des groupes de protestataires tentaient encore d’installer des barricades sur plusieurs artères à Port-au-Prince, selon des informations recueillies par AlterPresse.
Aucune voix autorisée ne s’est toujours adressée à la population sur des initiatives ou décisions qui seraient prises au cœur d’une crise qui semble s’aggraver progressivement.
Vague et reflux ?
Les dirigeants, penseraient-ils pouvoir remonter la pente, et parvenir à rétablir le calme après la tempête ? Assimileraient-ils l’apparente explosion sociale à une grosse vague et attendraient-ils patiemment le moment du reflux ?
Le temps jouerait-il en leur faveur, au moment où une partie de l’opposition, jugée modérée, serait en voie de se radicaliser ? Croiraient-ils, comme lors de précédentes poussées, à la manipulation de la population par des acteurs politiques ou économiques ayant des intérêts inavoués.
Durant le week-end, il était impossible pour AlterPresse et AlterRadio de rejoindre des responsables du gouvernement et certains porte-paroles n’ont pas souhaité s’exprimer.
Le dialogue sur le brasier ?
Dans un communiqué, le Core Group (composé de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies, des Ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, de l’Union Européenne et du Représentant spécial de l’Organisation des États Américains) appelle au dialogue. "Le changement doit se faire par les urnes, et non par la violence", souligne le Core Group.
Quelle sortie de crise en perspective ? Moïse et son entourage, espèreraient-ils qu’avec l’usure les choses s’arrangeraient naturellement ?
Envisagerait-on un éventuel après-Jovenel Moïse, avec qui des responsables de l’opposition ne souhaitent plus, disent-ils, dialoguer, ce dernier n’inspirant pas confiance ?
On ne connait toujours pas les résultats des négociations annoncées le 7 février par le pouvoir avec des importateurs pour pouvoir réduire les prix des biens de première nécessité, suite à la chute vertigineuse de la Gourde qui a perdu une vingtaine de points en un an (84 Gourdes pour 1 Dollar).
Des rencontres se multiplient également avec d’autres acteurs de la société, des pourparlers qui engagent aussi bien le président que le premier ministre Jean Henry Céant.
Situation imprévisible
Dans plusieurs quartiers de Delmas, des détachements de pompiers ont éteint dimanche des pneus enflammés en guise de barricades, entre autres, à Delmas 31 et Delmas 40 B, tandis que des riverains ont exprimé de sérieuses craintes à se déplacer.
Un calme précaire a été observé dans plusieurs secteurs au moment où des acheteurs tentaient de s’approvisionner dans certains marchés publics ou quelques supermarchés ouverts, notamment à Pétion-Ville (périphérie est).
Des manifestants ont commencé à se rassembler en milieu de journée au Carrefour de l’aéroport, sur la route périphérique de Delmas, devenu le lieu de rendez-vous des marches anti-gouvernementales. Il y a là un tronçon surélevé réalisé avec des fonds d’aide vénézuelienne PetroCaribe, dont le gaspillage présumé a suscité un vaste mouvement de demande de reddition de compte.
Comme à Port-au-Prince, où un mort et un blessé par balle ont été enregistrés le 9 février, la situation ne semble pas différente dans plusieurs villes de province. Ces derniers jours, des incidents violents ont endeuillé notamment les Gonaïves (Nord) et Mirebalais (Est).
Les revendications mises en avant par les manifestants ou des riverains regroupés autour des barricades concernent la baisse du cout de la vie et la satisfaction des besoins de base, notamment l’alimentation.
« Nous avons faim, nous n’en pouvons plus, Jovenel doit partir pour nous permettre de souffler », a déclaré à AlterPresse et AlterRadio un jeune père de famille interrogé en fin d’après-midi du 9 février près d’une barricade à l’intersection de Delmas 75.
Les mêmes revendications ont été reprises, par la suite, par des habitants de plusieurs quartiers de la zone métropolitaine sur les antennes d’AlterRadio. Des auditeur\auditrices de plusieurs régions ont exprimé leur ras-le-bol.
11 février 2019
http://www.alterpresse.org/spip.php?article24034#.XGHrErh7nIU
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