Le G-20, l’APEC et l’extrême-onction de la crédibilité
16/11/2010
- Opinión
Quand un malade est très grave, s’il est catholique, il se confessera puis il recevra l’extrême-onction. C’est bien ce qui est arrivé à la crédibilité des États-Unis aux réunions quasiment simultanées du G-20 et de l’APEC. À partir de là, on ne sait pas ce qu’il va se passer. Peut-être donnera-t-on une sépulture chrétienne – à moins qu’on ne les incinère – aux restes de l’absurde illusion consistant à croire qu’il est possible de maintenir un système social incompatible avec la vie de l’humanité, dont les membres se chiffrent déjà aujourd’hui, selon des calculs internationaux rigoureux, à 6 884 307 685 personnes et augmentent à raison d’un peu plus de 77 millions par an.
Quand on examine la liste des pays membres de l’APEC, on y trouve les États-Unis et le Japon, deux des nations les plus riches du monde ; le Canada, l’Australie, Singapour et la Corée du Sud, considérablement industrialisés ; la Russie, un puissant État aux grandes ressources naturelles, scientifiques et techniques ; puis un groupe de pays émergents parmi les plus importants, comme la Chine, l’Indonésie et d’autres de l’Asie du Sud-est baignés par l’Océan Pacifique, soit vingt et un pays qui se sont réunis au Japon, les 13 et 14 novembre, presque en simultané avec le G-20, dont neuf membres avaient d’ailleurs assisté à la rencontre de Séoul pour y discuter des problèmes les plus cruciaux. Tous les pays de ces deux instances sont capitalistes, sauf la Chine et le Vietnam dont les États-Unis ont tenté, à feu et à sang dans un cas, d’empêcher la transformation révolutionnaire.
La liste des membres de l’APEC comprend un État très pauvre qui n’a rien de commun avec les vingt autres : la Papouasie-Nouvelle-Guinée. J’ai cherché des renseignements sur ce pays, situé non loin de l’Australie, au nord. MacArthur se retrouva dans sa capitale actuelle, Fort Moresby, en 1942, bien loin des Japonais, après que ceux-ci eurent envahi et occupé la principale base étasunienne de leur colonie des Philippines, située à Luzon, à quelques kilomètres de Manille.
Que sait-on de ce pays inscrit au dix-septième rang de la liste de l’APEC ? Ses premiers habitants, chasseurs-cueilleurs, y arrivèrent voilà quarante-cinq ou cinquante mille ans en provenance du Sud-est de l’Asie, durant la période glaciale du pléistocène. Une seconde vague de population y arriva plus de quarante mille ans après, vers 3 500 avant notre ère, dotée d’une culture plus avancée, puisqu’elle pratiquait l’horticulture et la pêche, qu’elle connaissait la navigation et qu’elle maîtrisait la technique de la poterie à la même époque où celle-ci se développait à Babylone.
Les Européens arrivèrent en Polynésie par l’est et par l’ouest cinq mille ans après : les Espagnols, les Portugais, les Anglais et les Hollandais la conquirent, forts de leurs armes à feu et de leurs épées d’acier, la colonisèrent, s’emparèrent de ses ressources et réduisirent ses habitants à l’esclavage.
Tout en admettant qu’ils aient apporté des connaissances et des acquis de sociétés à plus grand développement culturel que celui des certaines communautés humaines qui habitaient des territoires isolés, baignés et séparés par les eaux du Pacifique, il faut dire qu’il existait dans une grande partie de l’Asie et du Moyen-Orient des civilisations bien supérieures à celles de l’Europe d’alors. Les conquérants imposèrent la force de leurs armes à des territoires comme la Chine, l’Inde et le Moyen-Orient, qui étaient déjà des berceaux de civilisations millénaires quand les tribus barbares se disputaient encore l’Europe.
Les puissances coloniales accordèrent l’indépendance à la Papouasie-Nouvelle-Guinée en septembre 1975.
Selon le recensement de 2000, elle comptait 5 190 800 habitants sur un territoire de 462 840 kilomètres carrés.
Malgré ses grandes ressources naturelles – le pétrole, le cuivre et l’or – qui constituent 80 p. 100 de ses exportations, la Papouasie-Nouvelle-Guinée est le pays où l’espérance de vie à la naissance est la plus basse au monde. Ses abondantes richesses halieutiques sont exploitées par des sociétés étrangères et souffrent beaucoup des changements climatiques provoqués par les courants marins du Pacifique. De 1995 à 1997, les productions de café, de cacao, de thé, de sucre et de noix de coco ont considérablement diminué à cause de la sécheresse.
C’est le pays qui compte le plus de langues au monde, 820, soit 12 p. 100 des 7 536 existantes selon les spécialistes. De nombreux villages possèdent la leur.
Non loin de là, on trouve la République démocratique de Timor-Leste, à l’histoire dramatique et héroïque. Le pays fut conquis en 1512 par les Portugais, en même temps que la Guinée-Bissau, les îles de Cap-Vert et de Sao-Tomé-et-Principe, l’Angola et le Mozambique, toutes colonies qui subirent le même sort qu’elle mais dont aucune ne vécut un destin si douloureux.
Quand la Révolution des œillets mit fin en 1974 à la tyrannie de Salazar au Portugal, un membre de l’OTAN et un proche allié des États-Unis, le Front révolutionnaire de Timor-Leste déclara l’indépendance du pays le 29 novembre 1975, mais il ne put en jouir que neuf jours. Le 7 décembre, la tyrannie sanguinaire en place en Indonésie, celle de Suharto – qui, avec la complicité de la CIA, avait renversé le gouvernement constitutionnel de Sukarno, assassinant des centaines de milliers de communistes et de militants progressistes – dépêcha, avec l’accord de Washington, des troupes pour envahir ce pays. Et ce n’est qu’au terme de vingt-sept ans de lutte que son peuple put, sous la direction du FRETILIN, y réinstaller un gouvernement constitutionnel.
Je n’ai pas besoin d’expliquer les liens étroits qui unissent Cuba et les anciennes colonies portugaises. Notre combat contre les troupes du régime d’apartheid – auquel l’administration Reagan avait fourni des armes nucléaires stratégiques – donnent à notre pays l’autorité morale pour se prononcer sur les décisions de l’APEC à partir du moment où l’administration étasunienne impose des mesures qui touchent les intérêts de tous les pays, dont ceux des autres membres de cette organisation.
Elle a tenté d’obliger la Chine à réévaluer sa monnaie, le yuan (renminbi), sans tenir compte du fait que, depuis que ce pays a engagé sa politique de gestion monétaire en juillet 2005, le yuan est passé de 8,28 pour un dollar à moins de 6,70 aujourd’hui.
Selon le Financial Times du 6 octobre, le Premier ministre chinois, en visite à Bruxelles, a affirmé que la réévaluation du yuan était en cours, mais que son pays se refusait à donner des garanties quant à la vitesse à laquelle elle se ferait. Et il a averti fermement : « N’exercez pas de pressions sur nous au sujet de la parité du renminbi. » Il a expliqué qu’une action précipitée en la matière pouvait entraîner la faillite de nombreuse entreprises chinoises qui travaillent à l’exportation et avoir de graves conséquences sur l’économie : « Si la Chine connaît des troubles économiques et sociaux, ce serait une catastrophe pour le monde. »
Il coule de source que tous les pays du Tiers-monde pour lesquels la Chine constitue un marché sûr pour leurs exportations – destinées à satisfaire les besoins d’une population qui, selon le dernier recensement de 2008, se montait à 1 324 655 000 habitants, soit presque un milliard de plus que les USA, et ceux d’une économie dont la croissance moyenne annuelle n’est pas inférieure à 10 p. 100 – en tireraient dès lors en échange moins de profits, tandis que leurs exportations dans le reste du monde, payables en dollars, leur procureraient un papier-monnaie valant de moins en moins.
Les exportations étasuniennes sont constituées à 80 p. 100 de services, ceux de l’industrie dite des loisirs et bien d’autres qui ne satisfont pas les besoins vitaux de nos peuples, en premier lieu ceux du développement.
André Vltchek aborde des questions intéressantes dans un article sur Internet intitulé « L’Occident améliore ses techniques pour agresser la Chine »
Les tactiques employées en leur temps – commencer par discréditer puis tenter de détruire tous les gouvernements ou mouvements communistes et socialistes, progressistes et nationalistes dont l’Union Soviétique, Cuba, le Nicaragua, la Corée du Nord, le Chili, la Tanzanie, et récemment le Venezuela – sont toujours considérées comme valables. Elles ont même été améliorées depuis (avec encore plus de moyens en personnel et en technologie… Après tout, l’objectif que s’est fixé l’Occident et sa dictature globale est de taille : la Chine - le pays le plus peuplé de la planète.
Le fait que la Chine soit un État historiquement pacifique et qui réussit dans de nombreux domaines rend la tâche plus difficile. […] Après tout, l’Occident est (indirectement) impliqué dans les massacres du Congo/RDC (où l’on compte au moins cinq millions de morts), dans la déstabilisation de toute la Corne de l’Afrique et de certaines parties de l’Amérique latine, ainsi que dans des guerres d’agression contre l’Irak et l’Afghanistan, pour ne citer que quelques-unes de ses aventures macabres.
[…]
« "Les gens voient de leurs propres yeux ce que la Chine est en train de faire", explique Mwandawiro Mghanga, ancien député du Kenya et membre de la Commission de Défense et des Relations internationales, poète et prisonnier politique sous le régime brutal pro-occidental de l’ancien dictateur Moi. "Si vous voyagez à travers le pays, vous verrez des Chinois en train de construire des routes et des bâtiments, des stades et des habitations, des projets qui sont excellents. […] Les gens voient ce que la Chine fait réellement et l’apprécient. Mais il y a une grande pression exercée sur le gouvernement kényan pour qu’il cesse sa coopération avec la Chine. En fait, il y a même une grande hostilité envers le Kenya – l’Occident nous punit à cause de nos relations étroites avec la RDC." »
Le Sommet annuel de l’APEC s’est ouvert hier à Yokohama.
Des forums plus réduits s’y déroulent, tel le Trans-Pacific Partnership Agreement (TPP), un traité de libre-échange limité à Brunei, au Chili, à la Nouvelle-Zélande et à Singapour, que veulent rejoindre les USA, l’Australie, le Pérou, la Malaisie et le Vietnam. Bref, tout ce qui sert à vendre quelque chose. Du marché, encore du marché, toujours du marché !
Obama, tel un roi mage, distribue des sièges au Conseil de sécurité des Nations Unies, comme si celui-ci lui appartenait. Selon des agences de presse européennes, « il a signalé ce samedi que le Japon était un pays modèle qui devrait occuper un siège permanent… » Auparavant, devant le parlement de New-Delhi, il avait affirmé que son administration « appuierait l’entrée éventuelle de l’Inde ». Bien entendu, le Pakistan s’est plaint amèrement de cette promesse yankee. Ce qu’Obama n’a pas précisé, c’est si ledit siège était assorti ou non du droit de veto, comme si ce privilège antidémocratique devait être éternel.
On ignore s’il a fait une offre aussi généreuse à Lula, bien que plus d’un demi-milliard de Latino-Américains et presque un milliard d’Africains n’aient pas de représentation permanente au Conseil de sécurité. Combien de temps pense-t-il encore manipuler le monde de la sorte ? Mais je me trompe peut-être et sous-estime Obama : en pleine euphorie, apportera-t-il l’aval des USA à tous les aspirants ?
Comme de juste, les réunions du G-20 et de l’APEC se sont bien terminées, comme dans ces westerns d’Hollywood que je voyais quand j’étais lycéen. La Déclaration finale du Sommet de l’APEC, du bla-bla-bla, mériterait un Oscar : « Vision de Yokohama », l’a qualifiée le Premier ministre japonais…
Le président chinois Hu Jintao, selon une information plus sérieuse d’une agence de presse étasunienne, a toutefois déclaré : « La relance n’est pas solide et les déficits causent une grande incertitude. […] La situation de l’emploi dans les pays développés est sombre et les marchés émergents font face à des pressions inflationnistes et à des bulles des cours des actifs. »
Une agence européenne, généralement sérieuse, précise : « Le président chinois Hu Jintao, a dit que son pays n’accepterait pas de pressions extérieures visant à le faire changer de politique. »
Obama a conclu sa tournée asiatique, après la réunion, par « une visite du Grand Bouddha de Kamakura – une statue de bronze de treize mètres de haut pesant quatre-vingt-treize tonnes, érigée en 1252 – en position du lotus. »
De son côté, le général David Richards, le chef des forces armées britanniques, a affirmé qu’Al-Qaeda – ce qui revient à qualifier d’une manière erronée la résistance afghane, véritable fer de lance de la lutte contre l’OTAN, et n’ayant rien à voir avec les forces que la CIA avait créées pour lutter contre les troupes soviétiques – ne peut être vaincu et que « le Royaume-Uni devait être prêt à faire face à la menace d’attentats islamistes pendant les trente prochaines années au moins.
« Dans une interview au journal britannique The Sunday Telegraph, le général Richards a déclaré que son pays devrait s’attacher à endiguer la menace qui pèse sur ses citoyens, ce qui était possible, au lieu de s’efforcer de vaincre les militants islamistes.
« "Dans la guerre classique, la victoire et la défaite sont claires et ont pour symbole le défilé de vos troupes dans la capitale de l’ennemi."
« "Nous devons d’abord nous demander : avons-nous besoin d’obtenir sur eux une victoire claire ? Non, c’est inutile, et nous n’y parviendrons jamais. Pouvons-nous endiguer cette menace de façon que nos vies et celles de nos enfants soient sûres ? Je crois que nous le pouvons".
« Selon Richards, les vraies armes dans la guerre contre Al-Qaeda sont l’éducation et la démocratie.
« D’après lui, l’armée et le gouvernement britanniques sont "coupables de ne pas comprendre complètement ce qui est en jeu" en Afghanistan, tandis que les Afghans commencent à "se lasser" de l’incapacité de l’OTAN à tenir ses promesses.
« Selon le journaliste de la BBC, Frank Gardner, les commentaires du général Richards traduisent "un nouveau réalisme" dans les milieux antiterroristes du Royaume-Uni et des États-Unis. S’il avait dit des choses pareilles voilà cinq ans, ses affirmations auraient fait scandale parce que défaitistes. »
Obama a bien raison de visiter le Grand Bouddha de Kamakura, maintenant que la droite fasciste gagne rapidement du terrain dans l’Europe des courants réformistes, dont la Suède, et dans la société de consommation yankee, où trop de gens sont des ignares qui croient que la justice sociale, la santé, l’éducation, la solidarité et la paix sont des trucs des communistes ! Einstein, qui avait souhaité que les États-Unis antifascistes de Franklin D. Roosevelt se dotent de la bombe atomique avant que l’Allemagne nazie ne parvienne à la mettre au point, n’aurait jamais pu s’imaginer que, plusieurs décennies après, le danger serait qu’une extrême droite fasciste prenne le pouvoir aux USA.
Fidel Castro Ruz
Le 14 novembre 2010
https://www.alainet.org/fr/articulo/145552
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