Haïti, les militaires et les victimes :
Questions au Nobel de la Paix
03/02/2010
- Opinión
Nous pouvons admettre qu'une population affamée doit être contrôlée : la faim pourrait la rendre dangereuse. Mais cette tâche devraient revenir à des spécialistes entrainés et équipés pour maintenir l'ordre public. Non pas à des commandos et des parachutistes équipés d´armes de guerre, comme le sont ceux de votre 82º Division Aéroportée. La même qui s´est illustrée glorieusement en débarquant sur les plages de Normandie, pour aider l'Europe menacée par le nazisme. Mais qui a participé aussi aux guerres du Vietnam, de Corée, d'Afghanistan et d'Irak pour des raisons moins nobles et avec de piètres résultats : des défaites, des demi-victoires, des « marines » embourbés. Quelle bataille menez-vous maintenant ?
La catastrophe naturelle est évidente : un important séisme a touché ce petit pays et causé des milliers de victimes. Mais… êtes-vous sûr Mister Obama que le tremblement de terre soit l'unique cause ayant provoquée des dizaines de milliers de victimes ? Les médias occidentaux présentent, avec une certaine discrétion, le fait que ces victimes se doivent aussi à d´autres motifs, étrangers au phénomène naturel. Cela oblige à réfléchir, à regarder en arrière et à poser les bonnes questions aussi.
Quelle préparation et ressources avait la population d´Haïti pour faire face à une catastrophe naturelle ?
Pratiquement aucune Mister Obama. La population d´Haïti est une victime pauvre et désemparée. Quelle étrange situation pour un peuple qui, durant plus de deux siècles a été envahi et occupé par de grandes puissances, particulièrement la France et votre grand pays, Mister Obama. En 200 ans, quels ont été vos programmes d´éducation, de santé et d´infrastructure sur cette petite ile ? Les uniques programmes que votre pays démocratique ont constitué : piller les ressources naturelles, le bois, le sucre... laissant ce pays dans un état de misère. Mister Obama, aujourd’hui le résultat est là, avec ces dizaines de milliers de morts et de sans abris.
Votre pays, Mister Obama, depuis plusieurs décennies « satanise » Fidel Castro. Chacun est libre de penser ce qu'il veut de Fidel Castro et du « régime castriste », ce qui en réalité incombe plus aux cubains de Cuba qu´aux cubains de Miami ou aux politiques de Washington. Car là, vous n'avez guère de leçon à donner : en parlant de justice, il ne fait aucun doute que la prison située sur le territoire cubain, où se violent le plus les droits humains et où l'on pratique la torture systématique, est bien celle de Guantanamo, sur laquelle ne flotte pas précisément le drapeau cubain.
Mister Obama, d’autres catastrophes naturelles dans les Antilles, comme les ouragans, déferlent souvent sur les iles des Caraïbes avant d´arriver parfois au Mexique ou en Floride. Si vous analysez les dégâts causés ces dernières décennies, découvrirez qu'à Cuba, il n´y a pratiquement pas de victimes alors qu'en Haïti, chaque ouragan en cause de nombreuses.
Pourquoi plus de victimes en Haïti qu'à Cuba Mister Obama ?
Simplement parce que la population d’Haïti est vulnérable et sans protection alors que Cuba possède une logistique d'évacuation, des programmes d´aide et une population correctement préparée. Mister Obama, que cela vous plaise ou non, il est évident que pour protéger une population face à des situations de catastrophes naturelles, Fidel Castro obtient de meilleurs résultats que les grandes puissances qui ont occupé Haïti.
Que fait un Prix Nobel de la Paix en envoyant 20.000 soldats s’installer à Haïti ?
Mister Obama, le peuple d’Haïti vit de plus aujourd’hui une seconde tragédie. Celle d´une petite nation violée au plus profond de son identité par l’invasion et l'occupation de son territoire. Serez-vous, Mister Obama, le premier Prix Nobel de la Paix qui profiterait d’une catastrophe naturelle et de sa terrible tragédie pour envahir et occuper un pays ? S'il n'en est pas ainsi, veillez nous éclairer sur les raisons de cette militarisation.
Sous quel droit un prix Nobel de la Paix et son administration peut :
- occuper militairement quatre aéroports d’Haïti ;
- interdire les atterrissages, sans la moindre explication, à six avions de Médecins Sans Frontières pour y débarquer des hôpitaux de campagne ;
- donner l'ordre, sans plus d´explications, que les correspondants étrangers évacuent la zone “sous deux heures”, leur interdisant d´accomplir leurs reportages ?
Non, Mister Obama, les explications données par votre général du Commandement Sud en conférence de presse devant une salle pratiquement vide, occupée par sept journalistes, ne sont pas convaincantes.
Cela vous dérange-t-il, Mister Obama, que les correspondants étrangers soient témoins des opérations de vos troupes en Haïti ?
Mister Obama, que voulez-vous cacher au monde de ce qui se passe ou se passera à Haïti ?
Quelle idée a derrière la tête, un prix Nobel de la Paix qui envoie des bateaux de guerre pour obliger d´autres organisations de débarquer l'aide humanitaire à Saint-Domingue, freinant ainsi l’arrivée de vivres et de médicaments aux sinistrés ?
Mister prix Nobel de la Paix : en ce moment précis Haïti a besoin de secouristes, de médicaments, de vivres, d´eau et de solutions d´hébergements pour une population désemparée. Haïti n’a nul besoin de vos marines, ni de leur armement de guerre sophistiqué. Ne trouvez-vous pas, Mister prix Nobel de la Paix, pathétiques les images du spectacle de vos « marines » bien nourris, avec leurs armes de dernière génération face à une population qui meurt de faim, de soif et menacée par des épidémies ?
Ainsi, aujourd’hui, une partie du monde assiste impuissante à une nouvelle invasion et occupation par les Etats-Unis d'un pays victime d´une tragédie. L´autre partie du monde - les “grandes puissances” – garde un silence complice, de la même complicité qui a consisté à préparer le peuple d´Haïti à sa situation actuelle : l'une des nations les plus pauvres au monde.
Pour cette invasion, Mister Obama, vous n´avez pas besoin de 20.000 « marines ». Mais ces 20.000 permettent de se rappeler qu'il n´y a pas si longtemps, d´autres de vos hommes ont arrêté et expulsé « manu militari » un président d´Haïti élu démocratiquement pour le remplacer par un « aligné » à Washington. Avec lui, vous n'aurez aucune difficulté à installer de nouvelles bases militaires sur cette ile stratégique militairement et riche énergétiquement.
Est-ce donc cela, l’objectif caché de la présence de 20.000 « marines » ?
Lorsqu'un autre désastre naturel a frappé la Louisiane, sur le propre territoire des Etats-Unis, nous avons assisté aussi à une occupation militaire, en même temps que vos services de secours se plaignaient d'être confinés, sans pouvoir intervenir afin d'aider la population.
Il est vrai qu'à l'époque les Etats-Unis vivaient sous la présidence d´un « cow-boy », contrairement à aujourd'hui ou gouverne un prix Nobel de la Paix, premier président noir d'un pays enrichi par l'esclavagisme. Qu'il s’agisse, dans les deux cas, de populations noires, cela doit certainement retenir votre attention. Non ?
Mister Barack Obama, prix Nobel de la Paix, président des Etats Unis, pouvez-vous, s´il vous plait, donner l'ordre à vos soldats de laisser les secouristes, les médecins et les professionnels de l'humanitaire accomplir leurs taches à Haïti pour sauver les vies qui peuvent encore être sauvées ? Pouvez-vous donner l’ordre que les journalistes, envoyés sur place par de nombreux pays, puissent informer le monde ?
Sinon, Mister Président, ayez l'honnêteté d´annoncer au monde que le programme des Etats Unis est de s´approprier une partie de l'ile – et qui sait ? l'autre partie aussi, la République Dominicaine – en profitant de cette situation de désastre.
Cela sera votre tragédie. Votre peuple devra y répondre.
Information de dernière minute : nouvelle réclamation pour l'interdiction d´atterrissage d´un avion d´aide humanitaire sur l'aéroport pris militairement par les troupes US. Cette fois, aide en provenance du Brésil.
Il est vrai qu'à l'époque les Etats-Unis vivaient sous la présidence d´un « cow-boy », contrairement à aujourd'hui ou gouverne un prix Nobel de la Paix, premier président noir d'un pays enrichi par l'esclavagisme. Qu'il s’agisse, dans les deux cas, de populations noires, cela doit certainement retenir votre attention. Non ?
Mister Barack Obama, prix Nobel de la Paix, président des Etats Unis, pouvez-vous, s´il vous plait, donner l'ordre à vos soldats de laisser les secouristes, les médecins et les professionnels de l'humanitaire accomplir leurs taches à Haïti pour sauver les vies qui peuvent encore être sauvées ? Pouvez-vous donner l’ordre que les journalistes, envoyés sur place par de nombreux pays, puissent informer le monde ?
Sinon, Mister Président, ayez l'honnêteté d´annoncer au monde que le programme des Etats Unis est de s´approprier une partie de l'ile – et qui sait ? l'autre partie aussi, la République Dominicaine – en profitant de cette situation de désastre.
Cela sera votre tragédie. Votre peuple devra y répondre.
Information de dernière minute : nouvelle réclamation pour l'interdiction d´atterrissage d´un avion d´aide humanitaire sur l'aéroport pris militairement par les troupes US. Cette fois, aide en provenance du Brésil.
- Traduction relue et corrigée par Cédric Rutter pour Investig'Action - michelcollon.info
https://www.alainet.org/fr/active/35951
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