Tacna : menaces gravissimes contre la vie et la liberté d'expression

20/12/2006
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Depuis 3 mois, la population de Tacna et des environs cherche à faire connaître son opposition à l'énorme projet minier qui recouvre toute la zone Sud du Pérou. Les Compagnies minières répondent par des intimidations et mêmes des assassinats. Quant au gouvernement et aux médias péruviens, ils sont frappés de surdité.

 Le Sud péruvien regorgerait de métaux précieux; plus de 700 explorations minières y sont prévues. Ce sont la MINSUR, la NEWMONT, et d'autres compagnies transnationales qui en proposent l'exploitation. Ces compagnies envahissent les terrains alors que les études d'impact environnemental ne sont pas conclues et que la loi qui impose l'information des villageois n'a pas été respectée.
 
Elles emploient des méthodes intimidatrices très graves : dernièrement un leader qui refusait de vendre ses terres à Cajamarca, dans le Nord, a été assassiné par des hommes de la minière Yanacocha. A Tacna, le 24 novembre une station de télévision indigène a été détruite à Ticaco, province de Tarata, région Tacna, et le 13 décembre un animateur de radio locale de Tacna a été grièvement agressé  par balle par des hommes cagoulés, avenue Mendoza : il avait invité ses auditeurs à s'associer au Comité de Lutte, récemment créé à Tacna.
 
Le gouvernement d'A. Toledo a autorisé les explorations en juin 2005 et celui d'Alan Garcia les a reconduites. Un Front de Défense de l'Environnement, regroupant divers groupes, créé depuis les premières invasions de terres en octobre, a manifesté son opposition par des marches, des conférences, une requête envoyée au gouvernement, etc… Un moratoire fut accordé dans un premier temps et depuis c'est le silence alors que les tensions sont au plus haut. Les nouveaux élus locaux refusent de prendre parti et les responsables du PET (Projet Spécial Tacna) qui administrent l'eau de la ville ont donné leur accord pour que la Compagnie MINSUR capte l'eau dans le canal  même qui alimente la ville.

Les craintes de la population se portent vers le manque d'eau qui menacerait aussitôt étant donné les problèmes déjà existants autour de cette ressource. Rappelons que Tacna se situe dans une région quasi désertique, qui jouxte le désert d'Atacama. La ville,  pour s'alimenter en eau, a dû utiliser les ressources du haut plateau andin où les terrains se sont asséchés de façon spectaculaire  : à Ancomarca, les communautés indigènes ont vu leur cheptel passer de 12000 têtes à 1000 en une décennie. Comment alors envisager de laisser les Compagnies minières se servir de milliers de tonnes d'eau qui seront nécessaires aux  mines à l'air libre?

L'autre problème de taille est la contamination des terrains sur lesquels s'écoulera l'eau mélangée au mercure et au cyanure de sodium.

Peut-on penser que les contrats d'exploitation seront respectés par les minières qui s'engageraient à nettoyer les sols? Il y a actuellement plus de 600 passifs miniers au Pérou!

Les médias péruviens restent muets comme s'il était normal de sacrifier la vie de milliers d'agriculteurs qui resteraient sans ressources. Le Pérou en effet compte sur ses matières premières pour remplir les caisses de l'Etat : les mines représentent 45% des exportations.

Un projet de cette ampleur dans une démocratie ne devrait pas être décrété comme sous une dictature. La liberté d'expression n'est que parodie : l'Etat péruvien est bien en train de sacrifier certaines populations sur l'autel de la croissance, aussi bien celle du Pérou que celle des pays du Nord.

Nazario Mamani, Front Elargi de Défense de l'Environnement de la région Tacna

https://www.alainet.org/fr/active/15147
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