Les USA veulent enclencher la troisieme guerre mondiale
26/05/2006
- Opinión
Entrevista a Robert SAE, porte-parole du CNCP, Martinique
APAL : N’est-il pas exagéré de prétendre qu’une troisième guerre mondiale
menace le monde ?
Robert SAE : Absolument pas ! Il faut bien comprendre que le déclenchement
des guerres n’est pas simplement dû à la « folie des hommes ». Elles sont
le fruit de contradictions qui existent au sein de la société et elles
éclatent quand un certain nombres de conditions sont réunies, en
particulier quand les classes dirigeantes d’un ou de plusieurs états ont
impérativement besoin, pour garantir leur domination, de contrôler des
zones stratégiques du point de vue militaire, des régions riches en
matières premières ou des marchés. Les USA étaient parvenus à imposer une
domination sans partage sur le reste du monde, notamment après
l’effondrement du bloc soviétique dans les années 90, mais la situation a
profondément évolué et leur domination est plus que compromise. Alors, ils
feront tout pour la maintenir.
APAL : D’accord, mais l’Organisation des Nations Unies cherchera sûrement
à empêcher le déclenchement d’un conflit mondial. Et puis, l’Union
Européenne ne suivrait pas forcément les Etats-Unis !
Robert SAE : On ne peut, hélas compter ni sur l’ONU ni sur l’Union
Européenne pour s’opposer aux Etats-Unis. Il est facile de vérifier que les
USA se moquent totalement du droit international et que l’ONU s’agenouille
devant eux. Regardez le cas de l’agression contre l’Irak. Regardez
l’affaire des centres de tortures clandestins. Quand à l’U.E., c’est une
alliée stratégique des USA. La France ne s’est pas engagée en Irak,
simplement parce que les USA avaient été trop gourmands dans le partage
après la première guerre du Golfe, mais les Européens sont présents en
Afghanistan et sont aux côtés des Etats-uniens à tous les niveaux
d’application de leur stratégie impérialiste. Leur complicité commune est
évidente avec l’état terroriste Israélien.
APAL : Pourtant les USA et l’Union Européenne sont en concurrence pour
contrôler le marché mondial !
Robert SAE : Les contradictions qui opposent l’UE et les USA pour le
contrôle des marchés sont secondaires. Ce qui les rend solidaire sur la
scène mondiale est déterminant. D’abord, dans le cadre de la globalisation
de l’économie capitaliste, la concentration des grandes entreprises s’est
accélérée et les capitaux européens, états-uniens, japonais se retrouvent
croisés dans les plus grands groupes. Ensuite, ils ont fondamentalement
besoin de leur cohésion pour affronter les pays émergents, c'est-à-dire les
puissances montantes comme la Chine, mais aussi pour contenir les
résistances populaires qui, elles aussi, se mondialisent.
APAL : Mais les USA n’ont pas forcément besoin de déclencher une guerre
mondiale. Avec la puissance que leur confère le dollar, leur puissance
militaire, ils ont les moyens de perpétuer leur suprématie.
Robert SAE : Justement, c’est sur ce plan que la situation a profondément
évolué. Parlons d’abord du dollar. Après la seconde guerre mondiale, il s’était
imposé comme la seule monnaie de référence pour les échanges
internationaux. Les USA disposaient ainsi d’un moyen de chantage sur les
autres pays. Mais d’autre part, ils pouvaient utiliser ce qu’on appelle
« la planche à billets » pour se permettre un déficit astronomique de leur
budget et pour s’accommoder de l’endettement record de leur pays.
Aujourd’hui, la présence de l’Euro qui est une monnaie forte, mais aussi de
la monnaie chinoise, le YUAN (ou REMINBI) qui s’impose comme référence en
Asie limite les marges de manoeuvre de la politique monétaire états-
unienne.
Deuxièmement, leur domination militaire sur le reste du monde leur
permettait de piller les matières premières pour faire tourner leurs usines
et réaliser des profits que nul ne pouvait égaler. Aujourd’hui, parce que
la Chine est en mesure de passer des contrats bilatéraux avec beaucoup de
pays producteurs pour acheter les matières premières, parce que dans
plusieurs pays d’Amérique latine, des gouvernements progressistes changent
les règles du jeu et, enfin, parce que dans la zone stratégique du Moyen
orient, d’où proviennent l’essentiel des ressources énergétiques, les
crises militaires et la consolidation de forces hostiles à la domination
impérialiste jette l’incertitude sur leur approvisionnement, c’est l’
existence même des USA, en tant que puissance mondiale, qui est menacée.
APAL : Existe-t-il des indices montrant que les USA préparent un conflit
majeur ?
Robert SAE : Hélas oui ! D’ailleurs, plusieurs rapports confidentiels
exposant les projections de l’armée et de l’administration américaines ont
été dévoilés et qui vont en ce sens. Des fuites, certainement organisées
par des personnes en opposition avec de telles aventures, car les
contradictions sont réelles à la tête de l’état aux USA. Mais surtout, une
analyse lucide de la politique et des pratiques de l’administration états-
unienne, permet d’en saisir les perspectives à moyen terme.
Une dizaine d’année avant les attentats du 11 septembre, déjà, les USA ont
entrepris de décrédibiliser l’ONU sur la scène internationale, d’imposer
leur interventionnisme militaire, hors tout cadre légal ainsi qu’un certain
nombre de lois supranationales.
Les attentats du 11 septembre à propos desquels, j’en suis persuadé,
l’histoire révèlera un jour le rôle des services secrets états-uniens, ont
opportunément servis à lancer une première offensive planétaire. Au nom de la
prétendue lutte contre le terrorisme, les USA interviennent ouvertement dans la
plupart des pays pour des activités de renseignement et de répression
qui, jusqu’alors, se menaient dans le cadre clandestin de l’espionnage.
Pratiquement toutes les organisations anti-impérialistes, révolutionnaires,
les mouvements de libération nationale et parfois même des associations
caritatives, sont abusivement assimilés aux terroristes de « Al Qaïda »,
soi dit en passant anciens ( ?) collaborateurs de la CIA. Sur cette base,
leur presse est interdite, leurs comptes bancaires sont saisis, leurs
dirigeants sont criminalisés et poursuivis sinon assassinés. Il s’agit
d’annihiler toutes les forces capables de résister à de futures offensives.
Au plan strictement militaire, les préparatifs sont en marche au plan
planétaire. Par exemple en Amérique latine, c’est le plan Colombie et
l’organisation de la subversion contre Cuba et le Venezuela. En Europe, ce
sont la déstabilisation des pays de l’est orchestrée par la CIA et
l’agression contre la Serbie. Pour la zone stratégique majeure que
constitue le Moyen Orient, ce sont la première Guerre du Golfe et
l’invasion de l’Irak, au cœur de l’Asie, c’est l’intervention en
Afghanistan et en Afrique c’est l’utilisation des chefs de guerre. Toutes
ces interventions sont des éléments d’un plan pensé sur la durée. Le pas
suivant qui se prépare, c’est l’agression contre l’IRAN. Déjà, leurs
commandos sont sur place, recensent les cibles (dont 90% n’ont rien à voir
avec le nucléaire) et organisent la cinquième colonne.
APAL : Le fait que les USA soient embourbés en Irak et en Afghanistan n’est
–il pas de nature à les obliger à remettre en cause ces visées guerrières ?
Robert SAE : Pas du tout ! Je dirais même au contraire. Déjà pour une
raison économique : C’est le clan représentant le lobby de l’armement et du
marché militaire qui est à la tête des USA. S’il est vrai que ces guerres
coûtent horriblement cher au pays, ce clan s’enrichit de façon indécente.
La presse a mis à jour les scandaleux profits réalisés par Dick CHENEY et
ses comparses, mais c’est tous les industriels de l’armement qui tirent
leur épingle du jeu.
La deuxième raison est aisément compréhensible. Nous avons dit que c’est la
survie des USA en tant que puissance mondiale qui est en jeu, s’ils perdent
le contrôle des régions détentrices de ressources énergétiques et autres
matières premières. On n’a jamais vu des puissances dominantes accepter de
se faire hara-Kiri ! Les USA ne peuvent sortir de l’engrenage et les
extrémistes de droite qui contrôlent l’administration sont plus que
capables d’une fuite en avant. Je tiens à répéter qu’ils constituent un
énorme danger pour l’humanité, car, pendant qu’ils s’acharnent à diaboliser
l’Iran, leurs plans militaires prévoient déjà l’utilisation d’armes
nucléaires.
APAL : Pourtant, on n’a pas l’impression que le monde s’inquiète de cette
menace.
Robert SAE : Là, il faut parler du rôle des médias ! Au plan mondial, tous
les grands réseaux qui ont une influence significative sur l’opinion sont,
précisément, entre les mains des impérialistes, de leurs multinationales,
en particulier celles de l’armement. Leur fonction est d’endormir
l’opinion, d’abrutir le plus grand nombre avec des programmes débiles et
déshumanisants. En même temps ils font la propagande pour les thèses
impérialistes. Diaboliser les « ennemis », donner la bonne conscience de
défendre des causes justes ou de se protéger contre des dangers majeurs,
étouffer les voix divergentes, tout cela fait partie de la préparation de
la guerre. On sait que le contrôle de l’opinion est un facteur déterminant
dans la construction du rapport de force.
Mais en réalité, sur tous les continents, la conscience de ce danger
existe, des milliers d’organisations organisent sans arrêt des
manifestations de protestation contre les guerres en cours et les risques
de conflit généralisé. C’est d’ailleurs un thème omni présent dans tous les
Forum sociaux qui regroupent des centaines de milliers de gens un peu
partout dans le monde. Aux USA mêmes, le mouvement anti-guerre devient de
plus en plus puissant et l’écrasante majorité de la population sait
aujourd’hui que la guerre en Irak est une guerre pour le pétrole et les
profits d’une minorité. Simplement les médias ne font pas écho à ce
puissant mouvement pour les raisons que je viens d’évoquer.
APAL : Ainsi donc, une troisième guerre mondiale est inéluctable ?
Robert SAE : Un conflit généralisé est fortement probable, mais pas
inéluctable. Utilisons une comparaison pour nous faire comprendre. Il est
connu que si certains cancers sont dépistés très tôt, on peut les soigner
et éviter complètement la maladie mortelle. Mais, celui qui serait au seuil
précoce et qui se moquerait des conseils de prévention marcherait
irrémédiablement vers une issue fatale. Je veux dire par là, que si les
peuples tournent le dos à la désinformation et au conditionnement, s’ils
continuent à prendre conscience de la réalité, et s’organisent pour
combattre les classes dominantes qui risquent de conduire l’humanité à sa
perte, il est absolument possible de faire reculer le danger de guerre.
Au plan mondial, la domination impérialiste est de plus en plus sapée dans
ses bases. Des initiatives alternatives sont lancées aux plans politique
et économique et social par des gouvernements révolutionnaires, je pense à
Cuba, au Venezuela, à la Bolivie dans notre région. Dans la bataille des
idées, le camp de la Paix et de l’anti- impérialisme marque des points
majeurs. Je crois qu’on peut avoir confiance en l’avenir.
APAL : Et le Peuple Martiniquais dans tout cela ?
Robert SAE : Comme tous les autres peuples du monde notre responsabilité
est grande dans ce combat pour la défense de l’humanité. Chaque fois qu’un
peuple avance dans la conquête de la souveraineté et dans la mise sur pied
d’un système économique plus juste, l’impérialisme faiblit et ses capacités
d’agression au plan global reculent. Il faut savoir, par exemple, que les
colonialistes Français ont inclus notre territoire, sans que nous ayons eu
notre mot à dire, dans leur schéma stratégique, et dans le cadre de leur
alliance militaire avec les impérialistes Etats-uniens. Nous sommes tête
de pont et cible à la fois ! Eh bien, en recouvrant notre souveraineté,
nous pourrons nous sortir de ce guêpier et militer, au côté des autres
peuples de la région pour une Caraïbe pacifique et démilitarisée. Puisque
notre sujet c’est la guerre, je ne m’étendrai pas ici sur les perspectives
de développement alternatif qui font partie du « sauvetage » du monde, mais
je veux terminer en insistant sur la nécessité pour tous les Martiniquais
de participer à la bataille pour une information objective sur ces
questions internationales et sur le devoir de solidarité avec les autres
peuples agressés ou occupés militairement. Cela ne sera pas vain car le
poids de l’opinion publique internationale est capable de mettre les agresseurs
en difficulté.
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- Robert SAE, porte-parole du CNCP, Martinique
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