Assemblée de l'OEA : Au-delà des discours officiels
- Análisis
La presse signale que l'accès à la mer de la Bolivie, la situation politique au Venezuela, les nouveaux mécanismes pour la lutte contre la corruption et l'élection de Miguel Angel Rodríguez en tant que secrétaire général, sont quelques-uns des thèmes principaux qu'a abordé la XXXIVe assemblée ordinaire de l'Organisation des Etats américains (OEA) qui a eu lieu du 6 au 8 juin au milieu des manifestations sociales.
En dehors des agendas, déclarations et photos officielles, il y a beaucoup d'événements occultes, qui passent inaperçus, sans qu'on leur prête la moindre attention et qui sont peu voire pas du tout rendus public.
Examinons certains d'entre eux. Les coûts Ce type d'événements internationaux coûte beaucoup d'argent. Pour que l'assemblée de l'OEA puisse avoir lieu à Quito, le gouvernement équatorien, présidé par le Colonel Lucio Gutiérrez, a du débourser 1 million 350 mille dollars. Une somme excessive pour un petit pays comme l'Equateur dont 80% de la population vit en dessous du niveau de pauvreté. Mais cela ne préoccupe pas le Colonel qui vient de dépenser plus de 5 millions de dollars dans l'anachronique concours de Miss Univers. La grande justification a été qu'avec cet événement, l'Equateur promouvait le tourisme et vendait la "marque du pays" (comme si un pays pouvait se vendre comme un savon, un dentifrice ou une automobile). Dans la pratique, celui qui a pris la part du lion - en cash - c'est le magnat de la presse Donald J. Trump, patron de la National Broadcasting Company (NBC) - qui a encaissé une franchise de 5 millions de dollars pour le concours de Miss Univers - et de quelques hôtels de luxe. Dans le cas de l'assemblée de la OEA, un des grands bénéficiaires est le 'Suisse Hôtel', siège de la réunion.
La sécurité
Une des raisons d'être de l'OEA, selon ses porte-paroles, est la défense de la démocratie (comprise comme se limitant aux élections). Mais pendant qu'on parle de démocratie, le peuple, les gens normaux, les gens de la rue doivent rester le plus loin possible de ce genre d'événements. C'est pourquoi des centaines de policiers ont établi un périmètre de plusieurs centaines de mètres afin que personne ne puisse perturber les diplomates faisant du lobbying. Les policiers d'élite se sont chargés de réprimer les manifestations, ont traîné sur le sol un jeune et ont cassé le matériel d'un photographe. Mais les choses ne sont pas restées ainsi. Ce qui a causé le plus de surprise et d'indignation c'est que les policiers équatoriens obéissent maintenant aux ordres des gardes du corps de Colin Powell, secrétaire d'Etat des Etats-Unis. Le 7 juin, pendant que ce dernier sortait d'une réunion avec les "jeunes cadres" de l'édifice du CIESPAL (Centro Internacional de Estudios Superiores de Comunicación para América Latina, ndlr), au nord de Quito, un groupe de femmes s'est posté dehors en montrant des photos des agressions des soldats américains sur les prisonniers irakiens. C'est à ce moment que les gardes du corps de Powell ont ordonné aux policiers équatoriens de déloger les femmes afin que le fonctionnaire ne puisse voir les photos ni entendre les cris de "assassins". Les policiers équatoriens ont obéit. Rien d'étonnant d'un autre côté, dans un pays colonisé, dans lequel les responsables policiers de la frontière nord limitrophe avec la Colombie rendent des comptes à l'ambassadrice des Etats-Unis, Kristie Kenney.
Les manifestations
L'assemblée de l'OEA s'est réalisée dans un pays en convulsion et en crise. Alors que les prix du pétrole sont au plus haut et que l'Equateur en perçoit de grands bénéfices, la pauvreté augmente ainsi que le chômage, parce que la majeure partie de ces ressources sont destinées à couvrir le service de la dette externe. A cela s'ajoute la subordination absolue du gouvernement de Gutiérrez à la politique des Etats-Unis, qui s'efforcent d'impliquer les Forces armées équatoriennes dans le combat contre les mouvements guérilleros colombiens. Mais plus encore : l'imposition d'un traité de libre échange négocié par l'Equateur, la Colombie et le Pérou d'une part, par les Etats-Unis d'autre part, aggravera la crise, notamment pour les petits producteurs agricoles. Tout cela a entraîné le mouvement indigène à organiser un soulèvement populaire qui a commencé le 7 juin et qui se propose de mettre la pression pour pousser le président Gutiérrez à la sortie. Ils l'accusent d'incapacité, d'incohérence, de corruption et de trahison.
Un jour avant pourtant le Front populaire (professeurs publics, étudiants, etc.) ont organisé une manifestation devant le siège de l'OEA, manifestation réprimée par la police à l'aide de gaz lacrymogènes. Le lundi 7, indigènes, syndicats, pensionnés, militaires à la retraite, affiliés à la sécurité sociale paysanne ont organisé diverses manifestations qui ont également été réprimées par la police. Les dirigeants sociaux ont remis une lettre adressée au Secrétaire sortant de l'OEA, César Gaviria, dans laquelle ils dénoncent les "politiques néolibérales et fondomonétaristes (du FMI, ndlr) du gouvernement" et rejettent l'ALCA (Zone de libre échange des Amériques, ndlr), le traité de libre échange avec les Etats-Unis, le Plan Patriota ( plan militaire colombien, ndlr) et d'autres projets belliqueux dans la région.
La corruption
Parmi les sujets discutés figure l'adoption de nouveaux mécanismes pour combattre la corruption, qui est considérée comme un fléau dans la région. Le thème a été proposé par le pays hôte, l'Equateur, mais selon plusieurs analystes, le gouvernement, qui a été accusé de népotisme et de financement de sa campagne avec des fonds dont la provenance est douteuse, n'avait pas d'autorité pour le proposer. "L'âne parlant des oreilles", c'est ce qu'a dit un activiste des droits humains lors de la rencontre de plusieurs chanceliers avec la société civile, le dimanche 6 juin, pendant que le ministre des Affaires étrangères équatorien, Patricio Zuquilanda, ne savait plus où se mettre. Au-delà de ce fait anecdotique, la Coalition internationale pour les droits humains dans les Amériques, a demandé aux Etats membres de l'OEA que "dans le concept de corruption soit inclue l'utilisation abusive du pouvoir comme source de violation des droits humains et générateur d'impunité". Des gouvernements seront-ils disposés à se mettre la corde au cou ?
La thématique indigène
Le président du Parlement indigène d'Amérique (PIA), le député indigène équatorien Ricardo Ulcuango, a demandé à l'OEA, le dimanche 6, d'accueillir les trois projets de résolution qui ont à voir avec le Programme continental d'alphabétisation intégrale des Peuples Indigènes, la reconnaissance politique du PIA et l'adoption de la Déclaration américaine sur les Droits des Peuples indigènes. Ces projets avaient tous été présentés auparavant au travers du ministère des Affaires étrangères équatorien. "Les démocraties doivent se transformer qualitativement, afin de répondre et bénéficier aux nécessités de la grande majorité des peuples, et laissant de côté ces démocraties mal nommées qui ne font rien d'autre que répondre aux intérêts de groupes fermés et des transnationales qui dévorent notre nature et nos économies avec des impositions économiques comme celles du FMI, de la BID, de la BM ou comme l'ALCA ou le TLE, totalement démesurés face aux droits humains et collectifs des enfants, femmes, indigènes, noirs, ouvriers et paysans appauvris qui souffrent de la misère sur notre continent", a dit Ulcuango.
Le nouveau Secrétaire général
Finalement, quelques mots sur le nouveau secrétaire général, le costa-ricain Miguel Angel Rodriguez qui a été élu à l'unanimité pour les cinq prochaines années, en remplacement de César Gaviria. L'information officielle précise qu'il est un "excellent chef d'entreprise et politicien" de filiation sociale chrétienne, qui a été Président du Costa Rica. Néanmoins, ce n'est un secret pour personne que, pour occuper ce poste, n'importe quel candidat doit être très proche de la politique des Etats-Unis, qui imposent, en dernière instance, les décisions de l'OEA. Et dans ce domaine, le Dr Rodriguez a bien des mérites, en plus d'autres "attributs" qui en font quelqu'un digne de confiance de Washington : il est critique envers Cuba, partisan des privatisations et du libre marché. C'est-à-dire que c'est l'homme idéal pour que l'OEA continue d'être, comme le disait le Che, le "ministère des Colonies" des Etats-Unis.
Traduction : Zoé Maus, pour RISAL.
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