l'héritage de Pinochet
11/02/2004
- Opinión
Les cérémonies émouvantes qui ont marqué les 30 ans du
souvenir du coup d'État au Chili ont été vécues avec
l'étrange sentiment de savoir que de l'autre côté de la
ville - dans le « barrio alto » de Santiago, bien sûr - des
milliers de partisans de Pinochet le commémoraient avec lui.
Cependant, il est encore plus dur de s'apercevoir que
l'héritage de Pinochet ne se trouve pas là-bas seulement,
mais qu'il continue d'être présent dans les politiques des
gouvernements qui se sont succédé, ceux présidés par les
démocrates-chrétiens comme même celui du « socialiste »
Ricardo Lagos.
Comment expliquer que le Chili, pionnier dans les projets
d'intégration latino-américaine, soit aujourd'hui un allié
privilégié du gouvernement de Bush dans la lutte pour
l'ALCA, qu'il ait signé un accord bilatéral honteux avec
Washington, qu'il s'oppose aux projets conduits par le
Brésil et l'Argentine pour l'intégration de l'Amérique du
Sud, qu'il se refuse à discuter l'accès à la mer de la
Bolivie ?
Il est difficile de comprendre cette transformation sans se
référer au fait que les gouvernements démocrates chrétiens
et socialistes ont continué la politique de Pinochet. Cette
politique a ouvert, dès les premiers jours du coup d'État de
1973, l'économie chilienne sur l'extérieur, assénant un coup
violent au Pacte andin et faisant revenir le pays à une
économie d'exportation de matières premières. En maintenant
ce modèle économique - parsemé de politiques sociales
compensatoires -, ces gouvernements se sont exclus eux-mêmes
de tout projet d'intégration régionale, ils se sont écartés
du MERCOSUR et ils ont été choisis par Washington comme
candidats privilégiés pour entrer dans le Traité de libre-
échange d'Amérique du Nord (TLCAN) et constituer la première
ligne de combat - avec le Mexique - pour défendre l'ALCA :
une sorte d'extension de l'accord bilatéral signé par le
gouvernement chilien avec celui de Bush.
L'économie chilienne, qui vit de l'exportation du cuivre et
de ses dérivés, du bois, des fruits, du poisson, dépend du
commerce extérieur pour la moitié de son PIB, après avoir
pratiquement éliminé toutes les barrières douanières. Ce qui
l'a empêché d'avancer dans son processus d'industrialisation
et a condamné le pays à osciller entre les marchés
asiatiques, européens et nord-américains. Et, en plus de
cela, l'a isolé du continent latino-américain.
C'est de là qu'est née la politique pro-nord-américaine des
gouvernements chiliens, y compris celle du « socialiste »
Ricardo Lagos, et que s'est créé un climat détestable au
sujet de la juste revendication de la Bolivie de se voir
restituer son accès à la mer. Le Pérou et la Bolivie ont
perdu des parties significatives de leurs territoires qui
sont passées aux mains du Chili lors de la Guerre du
Pacifique, en 1879, quand les entreprises anglaises de
salpêtre financèrent et provoquèrent le conflit à partir du
territoire chilien pour garder les bénéfices fondamentaux de
la victoire du Chili.
Le Pérou et la Bolivie perdirent des territoires qui
permirent l'expansion chilienne à partir de l'exploitation
du salpêtre - et plus tard du cuivre - et la Bolivie devint
un pays sans accès à la mer. On peut s'imaginer comment des
économies d'exportation de matières premières comme les
nôtres sont directement affectées par l'absence d'accès à la
mer.
Il y a quelques mois, le leader politique bolivien Evo
Morales fut invité à participer au lancement d'une
organisation non-gouvernementale au Chili, mais il a dû
suspendre son voyage devant le climat d'hostilité créé par
la presse locale - essentiellement à droite, en grande
partie pro-Pinochet.
Voilà à quoi s'est réduite la conduite des affaires
extérieures du Chili, résultat du fait que ses gouvernements
pro-Pinochet ont assumé la continuité de la politique
néolibérale de la dictature. Que cela serve également de
rappel à l'ordre au Brésil : la politique extérieure est
l'expression des grandes options stratégiques intérieures.
Que la continuité de la politique économique de Fernando
Henrique Cardoso ne se heurte pas à la souveraineté
revendiquée jusqu'à maintenant de notre politique
extérieure, et qu'au contraire elle serve de boussole pour
que la politique économique soit l'instrument d'un projet
transformateur et non régressif comme elle l'a été jusqu'à
maintenant.
Traduction : Hapifil. (Risal)
https://www.alainet.org/fr/active/5686
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