Développement (non) durable ?

30/09/2002
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A
Rio de Janeiro L'expression « développement durable », formule magique par laquelle le système mondial de coexistence et de production prétend résoudre les problèmes qu'il a lui- même créés, pour officielle qu'elle soit, est une contradiction, une équivoque et une illusion. C'est une contradiction car les deux termes s'excluent mutuellement. Le terme « développement » vient de l'économie dominante. Celle-ci obéit à la logique implacable de la maximisation des profits et de la minimalisation des coûts et du temps employé. En fonction de quoi, toutes les forces productives sont mobilisées pour extraire de la Terre littéralement tout ce qui est consommable. La Terre est torturée par la techno-science et soumise à l'agression systématique de ses richesses, en surface et en sous-sol, dans les airs et dans les mers. Le résultat en est une production fantastique de biens matériels et de services mais qui sont distribués de façon déséquilibrée. Ce manque d'équilibre est en train de détruire la paix entre les peuples et menace la biosphère, soumise à un stress insupportable. Le terme « durabilité » vient du domaine de la biologie et de l'écologie, dont la logique est contraire à celle de ce type de « développement ». Avec elle on montre la tendance des écosystèmes à l'équilibre dynamique et on souligne les interdépendances entre tous les êtres qui garantissent l'insertion de tous, même des plus faibles. Comme on le comprendra, réunir les concepts de « durabilité » et de « développement » constitue une contradiction dans les termes mêmes. Nous disons aussi que le « développement durable » est une équivoque. Oui, car on prend l'effet pour la cause. On dit que la pauvreté est la cause de la dégradation écologique. Et on en déduit que moins de pauvreté et plus de développement égalent moins de dégradation. Cependant, si on analyse les causes réelles de la pauvreté et de la dégradation, on s'aperçoit qu'elles sont justement les conséquences du type de développement pratiqué. Celui-ci exploite les personnes en les appauvrissant et dilapide la nature et ses ressources en la dégradant. C'est pourquoi l'utilisation politique de l'expression « développement durable » est un piège du système : il prend la terminologie de l'écologie (durabilité) pour la vider de son sens et masque ainsi la véritable cause du problème social et écologique (le type de développement), qui est le système lui-même. Enfin, la formule « développement durable » est une illusion. On postule un développement qui se meut entre deux infinis : l'infini des ressources de la Terre et l'infini de l'avenir. Les ressources de la Terre seraient inépuisables et l'avenir illimité. Cependant, ces deux infinis sont illusoires : les ressources sont finies et l'avenir est limité, n'étant pas universabilisable. Si l'Inde voulait être comme l'Angleterre, il faudrait deux Terres à exploiter, comme le disait déjà ironiquement Gandhi dans les années 50. Le « développement durable » n'est pas une panacée, c'est un placebo. Insister pour l'administrer, c'est tromper le patient ou, peut-être, le tuer. C'est ce qui arrive à la biosphère. Comprendre ce malentendu, c'est comprendre le pourquoi de l'impasse du Sommet de la Terre de Rio 92 et aujourd'hui de Johannesbourg 2002. La notion maîtresse est celle de « durabilité » et non pas celle de « développement ». Nous avons besoin de la Terre, de la société et de la vie humaine durables. Sans quoi il n'y a pas de développement durable. C'est ce que ces messieurs du « développement (non) durable » ne comprennent pas. Le Titanic prend l'eau de toutes parts. Nous n'avons pas de temps à perdre, il faut se réveiller avant qu'il ne soit trop tard. Dire cela n'est pas être apocalyptique, mais simplement être réaliste. Texte publié en espagnol dans la revue América Latina en Movimientos, n° 359, 1er octobre 2002, Quito, Equateur. Traduit de l'espagnol par ALAI.
https://www.alainet.org/fr/articulo/108190
S'abonner à America Latina en Movimiento - RSS