Les droits humains en Haïti : Fiction, idéologie ou défi ?

15/12/2012
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P-au-P, 15 décembre 2012 [AlterPresse] --- Le lundi 10 décembre 2012, le monde entier a célébré la journée mondiale des droits humains.
 
À l’occasion de la commémoration de cette date spéciale, ont eu lieu, un peu partout dans le monde entier, conférences de presse, communiqués, manifestations publiques de groupes et organismes de la société civile, déclarations de hauts fonctionnaires d’organisations internationales et de dignitaires gouvernementaux.
 
Des promesses et déclarations solennelles se sont égrenées.
 
Haïti n’a pas été l’exception.
 
Cependant, compte-tenu du contexte dans le pays, beaucoup d’Haïtiennes et d’Haïtiens ne sont pas tout à fait sûrs de ce que leur pays célèbre concrètement sous le concept de « droits humains ».
 
Qu’est-ce qui se cache sous ce vocable sonore qui retentit dans le pays, notamment depuis l’administration américaine du président Jimmy Carter (1977-1981), ayant fait des droits humains son cheval de bataille, non pas seulement dans le continent, mais aussi à travers le monde ?
 
Une fiction ?
 
Est-ce une fiction, c’est-à-dire un bouquet de vœux pieux (des droits proclamés dans la déclaration universelle des droits humains) que les constituants de 1987 ont établis dans la loi-mère qui, d’ailleurs, a fait l’objet de multiples violations et de tentatives de violations de la part des gouvernements successifs ?, est-on en droit de se demander.
 
Parler du droit à l’alimentation, à la santé, à l’éducation, au logement, au travail en Haïti, n’est-ce pas une chimère ? Qui garantit effectivement ces droits à l’ensemble des citoyennes et citoyens ?
 
Les discours des femmes et hommes politiques du pays et les projets ponctuels des organisations non gouvernementales de la communauté internationale ne suffisent pas évidemment pour protéger ces « droits ».
 
Une idéologie ?
 
Est-ce une idéologie, au nom de laquelle des personnes, des groupes, voire des nations réunies autour d’une « organisation mondiale » (comme dirait le chanteur Joseph Emmanuel / Manno / Charlemagne), font main mise sur le pays, le mettent sou tutelle « voilée » depuis plus de 20 ans (février 1993) et violent, dans la pratique, les droits humains, dont le droit à la vie, à l’autodétermination ?, se demandent plus d’un.
 
L’organisation des Nations Unies (Onu) se dit préoccupée par la situation des droits humains en Haïti. Elle se donne pour objectif de « donner ou redonner aux hommes, aux femmes et aux enfants de ce pays un accès à un ensemble de droits qui sont proclamés dans la déclaration universelle des droits humains », a déclaré Michel Forst, expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits humains en Haïti, au cours de sa 11e mission ayant pris fin le 30 novembre 2012.
 
Pourtant, la citoyenne / le citoyen haïtien attendait de l’expert « indépendant » un mot au sujet du dossier de l’accusation portée contre la mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah) pour sa « présumée » responsabilité dans l’introduction du virus du choléra ayant fait des milliers de morts dans le pays ? Un mot au sujet des viols contre tant de jeunes haïtiens, hommes et femmes, et pour lesquels des casques bleus sont mis au banc des accusés ?
 
La simple citoyenne et le simple citoyen ont la perception de ce que les droits humains ne sont pas de toutes les femmes et de tous les hommes de « la famille humaine », que l’indépendance d’un expert semble avoir des limites et le discours des droits humains peut se convertir aisément en un instrument d’oppression et d’impunité. Bref : en une idéologie.
 
Un défi ?
 
Est-ce un ensemble de garanties universellement reconnues et constitutionnellement établies, que la société civile haïtienne lutte au quotidien pour promouvoir et défendre, voire contre l’État et quelques-uns de ses hauts dignitaires, contre l’organisation mondiale prétendument créée pour protéger les droits humains des pays et des individus dans le monde ?
 
Une lutte, initiée depuis plus de 25 ans par un ensemble d’organisations de la société civile haïtienne pour demander la traduction dans la réalité de ces droits et ce, contre des gouvernements, des haut fonctionnaires de l’État, voire le système de l’administration de la justice qui, selon des organisations de droits humains, fonctionne selon la logique de « deux poids deux mesures ».
 
Une lutte, pour que les différents gouvernements traduisent, en politiques publiques, les libertés fondamentales des citoyennes et citoyens, et surtout les besoins sociaux de base de la population de plus en plus livrée à elle-même.
 
Une lutte, menée depuis près de 20 ans en faveur de la souveraineté de la nation haïtienne et contre l’impunité, dont semblent jouir des fonctionnaires de l’organisation « protectrice » des droits humains, de la paix et de la stabilisation du pays.
 
Une lutte, qui définit clairement ce que sont les droits humains, qui ne sauraient se réduire à un document [la Constitution de 1987, la déclaration universelle des droits humains], à la mission d’une organisation mondiale, au pouvoir d’un État.
 
Les droits humains sont une conquête historique, qui ne peut être gagnée qu’au prix de la sueur, du sang, voire de la vie, et à force de manifestations de rue, de vigilance citoyenne et de solidarité avec les victimes, dont celles des viols, crimes qui dégradent la dignité, la vie et le futur d’un être humain et déshumanisent une société (nationale et internationale) qui les accepterait.
 
Une lutte, qui a de multiples visages concrets en Haïti : ceux des organisations de femmes, de migrantes et migrants, d’ouvrières et d’ouvriers, de journalistes, de paysannes et de paysans, d’avocates et d’avocats, de petites marchandes, etc.
 
 
https://www.alainet.org/es/node/163444?language=es
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