Présidentielles au Venezuela :
Le « Plan B » de l’opposition : délégitimer le processus électoral et déstabiliser le pays
28/08/2012
- Opinión
Le Venezuela s’est réveillé le samedi 25 août traumatisée par l’explosion qui a eu lieu dans la Raffinerie d’Amuay. Par ce fait, l’autorité électorale a suspendu la répétition générale -prévue pour le jour suivant- des élections qui auront lieu le 7 octobre pour choisir parmi sept postulants le prochain président (pour un mandat 2013-2019).
Le président Hugo Chavez Frias enregistre un avantage significatif dans les intentions de vote, mais il a maintes fois demandé à ses soutiens de ne pas tomber dans le triomphalisme et, au contraire, de redoubler leurs efforts pour atteindre un résultat sans appel qui compense le « Plan B » de l’opposition : la délégitimisation du processus électoral et le scénario postérieur de déstabilisation.
C’est la troisième élection présidentielle de Chavez, bien que pendant son mandat, il ait été confronté à 13 rendez-vous devant les urnes et en a perdu un seulement. Cette fois ci, sa candidature a le soutien du Gran Polo Patriotico (GPP) qui réunit des mouvements sociaux et des partis politiques. Selon la majorité des enquêtes, il dépasse de 20 % son rival immédiat, Henrique Capriles Radonski, candidat de la Mesa de la Unidad Democrática (MUD) formé par un amalgame de forces d’opposition.
Le dernier rapport Moniteur Pays de la société d’études Hinterlaces, avec les résultats du travail sur le terrain réalisé entre le 28 Juillet et le 5 Août, établit une différence favorable de 18 points au candidat du GPP, qui recevrait le soutien de 48 % des votes face à 30 % pour son adversaire. L’étude indique aussi qu’existe une augmentation de la perception positive sur la direction du pays et sur la gestion du président Chávez avec un chiffre qui atteint 67 % des personnes consultées.
Pour aller au-delà des chiffres, ALAI s’est entretenu avec le président de Hinterlaces, Oscar Schemel, pour qui la toile de fond est liée avec l’existence « d’un processus de changement culturel très accentué, un processus d’appropriation très profond dans les secteurs populaires qui émerge parce que le discours présidentiel a revendiqué la condition populaire, qu’il a octroyé un rôle principal aux secteurs populaires qui se sentaient exclus, humiliés. Cependant l’opposition non seulement ne réussit pas à comprendre cette nouvelle réalité, mais en plus la repousse : elle est perdue ».
Selon lui, cela découle de ce qu’il y a une crise dans les secteurs intellectuels de l’opposition, puisque, au lieu d’analyser, au lieu de proposer des paradigmes, « ils sont devenus plus agitateurs qu’interprètes et cela a compliqué la compréhension de ce qui se passe au Venezuela du coté des élites et de l’élite politique en particulier. Ils évoluent dans un pays qui n’existe plus déjà, alors qu’ils recueillent bien le mécontentement et le rejet du gouvernement, ils ne réussissent pas à devenir une alternative et encore moins dans les couches populaires. C’est ce qui explique notamment que le Président conserve un niveau élevé de popularité et que malgré les failles de la gestion publique, aujourd’hui, il continue d’être la première option électorale ».
Sans compter que les signifiants du fait national ont changé, ajoute Schemel, « il y a un processus de maturité citoyenne et démocratique qui a gagné les couches populaires qui implique non seulement d’être parties prenantes dans l’agenda public, mais qui sont organisées et font un exercice de démocratie différent de ce qui est traditionnel et c’est pourquoi que le profil des revendications commencent à changer . C’est à dire, que le modèle d’inclusion est déjà établi et maintenant les revendications porte sur la gestion, et l’efficacité ».
Devant ces nouveaux paramètres, nous demandons, comment le candidat de l’opposition répond-il « avec une stratégie de marketing qui ne réussit pas peser, étant donnée la plus grande complexité de la situation. Qu’est-ce qu’ils doivent avoir découvert ? Sûrement que les gens ne veulent pas de changement, que le désir de changement relève plus de l’ajustement, par rapport au modèle qui fonctionne. Alors ils ont dessiné une stratégie faible parce qu’ils sous-estiment le rôle de la communication dans un processus où la culture fut un facteur fondamental du changement. Peut-être le plus important qu’ils ont découvert, c’ est qu’il ne fallait pas accentuer la perception selon laquelle l’opposition était un restaurateur potentiel d’exclusion, alors ils ont un candidat qui dit appuyer les programmes sociaux mais qui n’ y ajoute pas plus de sens . Comme ils ont sous-estimé le rôle de la communication, le discours du candidat est resté très basique, à dénoncer les problèmes de gestion qui liés à l’inefficacité, mais il ne propose pas d’alternatives, d’où le fait que cela n’a pas eu d’ impact ».
En plus d’un discours très basique, pour le président de Hinterlaces, les propositions du candidat adversaire « sont très simples, très rationnelles, très techniques et n’arrivent pas à toucher par l’ émotion la population. Quand il parle de l’emploi, il se réfère à la confiance, à l’investissement, étant donné que pour les couches populaires l’emploi est famille, avenir des enfants, dignité, respect, bonne rémunération ; cela a un autre sens. Dans le discours de l’opposition, ce sens n’existe pas, c’est encore un discours technocrate qui ne coïncide pas avec la nouvelle culture politique, qui est très chargée d’émotion ».
« Les élites continuent de penser que la confrontation politique est simplement électorale – précise-t-il - et elles ne se rendent pas compte que c’est une confrontation culturelle entre une vision du pays et l’autre qui est déjà dans la nouvelle culture politique, alors même qu’elles pensent que le soutien au président Chavez est lié fondamentalement avec la relation clientéliste et non avec une identification avec le discours, la vision, les valeurs, le modèle. Et en plus, ils ne voient pas que c’est un processus qui a accentué le leadership du président Chavez jusqu’à des niveaux presque religieux. Dans l’appréciation positive de la gestion, il y a un support affectif, il y a une relation presque passionnelle entre Chavez et les couches populaires, ses discours au-delà du fait qu’ilsont créé une nouvelle culture politique, ont aussi créé une communauté d’émotions qui a servi de support au processus bolivarien, d’où le fait que le processus n’a pas de retour ».
D’un autre côté, ajoute t-il, « dans plusieurs enquêtes faites après l’annonce de la maladie du président Chavez, nous avons demandé si le processus survivrait et les gens répondaient que oui, que le processus allait continuer qu’il n’y avait pas de marche arrière. Et dans une enquête électorale nous voyons qu’un autre candidat de la majorité ne serait pas désavantagé. Même dans les enquêtes qui favorisaient Enrique Carriles, la différence est faible, ce qui donne un signal sans équivoque comme quoi le processus semblait déjà être semé, parce que ce sont des changements culturels. Et aussi on peut apprécier cela quand les gens sont d’accord pour souligner que la réussite principale de ce processus est la politisation de la société, de l’implication, de la participation, qui va au-delà du symbolique, de l’électoral ».
Qu’est-ce qui pourrait modifier les tendances actuelles ? « Seulement un fait exceptionnel », répond-il, pour ensuite ajouter : « des faits comme les pannes d’électricité, des sabotages, qui génèrent le chaos dont les medias ont besoin pour exacerber l’angoisse. Cela peut aider non à ce que Chávez ne gagne pas mais à réduire l’écart et pouvoir parler de résultats brouillés , ce qu’ils essaient de mettre en place, pour déployer un scenario de déstabilisation, de mobilisations, de protestations, de plaintes pour fraude ». Il reste à voir si l’accident d’Amuay s’avère être « un fait exceptionnel ».
Quito, le 27 août 2012.
Le titre original : « Venezuela : une opposition perdue »
El Correo. Paris, le 29 août 2012.
https://www.alainet.org/es/node/160610
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