Reboiser Haïti, dans quelles conditions ?

17/06/2012
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P-au-P., 18 juin 2012 [AlterPresse] --- Des spécialistes haïtiens estiment qu’il est possible, dans certaines conditions, de reboiser Haïti, dont la vulnérabilité s’accélère, entre autres, à cause du niveau de déforestation qui dépasse les 98%.
 
« Le reboisement est possible biologiquement, mais socialement et politiquement il y a des obstacles », considère l’agronome Yves-André Wainright.
 
L’ancien ministre de l’environnement a été consulté par AlterPresse à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la désertification le 17 juin.
 
Wainright explique que la plupart des terres affectées par la déforestation peuvent être encore régénérées, puisque, dit-il, elles renferment beaucoup de matières organiques.
 
Dans les villes et les zones rurales, ces matières sont « tellement abondantes » que « si on laisse les terres en repos pendant un certain temps, elles sont capables d’être reboisées par elles-mêmes », ajoute-il.
 
Mais, s’empresse-t-il de souligner, pour le moment, il n’y a pas d’alternative économique, tandis que le rendement de l’agriculture est faible, ce qui augmente la pression sur les terres.
 
Or, « si ont veut reboiser une parcelle de terres on doit diminuer la pression là-dessus », c’est-à-dire que les agriculteurs doivent observer un cycle normal de production sans perturbation, explique le spécialiste.
 
On sait, ajoute-t-il, que les arbres fruitiers prennent en moyenne 5 ans avant de produire des fruits tandis que les arbres forestiers ne produisent des bois pour l’exploitation qu’au bout d’une quinzaine d’années.
 
Par ailleurs, Yves-André Wainright relève qu’investir dans le reboisement suppose la sécurité foncière, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans la plupart des régions du pays.
 
Dans ce genre de contexte, pense-t-il, en l’absence des conditions évoquées préalablement, c’est un « pouvoir fort » qui prend des mesures pour garantir les initiatives qui tendent vers le reboisement.
 
La reforestation figure parmi les priorités de l’administration du président Michel Martelly qui a fait de l’environnement un des principaux axes de sa politique.
 
Le 5 juin dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, Martelly a visité un projet pilote de reboisement au Morne l’Hôpital, montagne sérieusement dégradée, qui surplombe la capitale.
 
Martelly a annoncé que, ce jour-là, 800 plantules ont été mises en terre et qu’à partir du mois de septembre prochain 2 millions d’arbres seraient plantées.
 
Parallèlement, le gouvernement a prévu de détruire des centaines de maisons dans la zone du Morne l’Hôpital pour essayer de récupérer la végétation, protéger la montagne, la population ainsi que la capitale qui souffre de sévères inondations en période de pluies.
 
L’agronome Yvon Faustin, assistant technique de l’Association des Paysans de Vallue (zone de montagne de l’Ouest), qui est impliqué dans des activités locales de reboisement, exprime également à AlterPresse sa conviction de la possibilité conditionnelle de reboiser Haïti.
 
« Le reboisement est faisable, comme nous avons réussi à le réaliser à Vallue », soutient-il. Faustin précise que sur un million d’arbres mis en terre à partir de 1987, 600.000 ont survécu.
 
« Nous avons un système de surveillance qui fonctionne et les oiseaux aident aussi, en transportant des semences de plusieurs arbres dans la zone », explique-t-il.
 
D’autre part, il évoque des activités économiques qui fournissent des recettes aux familles, ce qui est, pour lui, incontournable dans toute opération de reboisement.
 
« La question n’est pas d’interdire la coupe des arbres », souligne-t-il. « Il faut les couper de manière contrôlée », tout en développant « des activités économiques de substitution », capables de permettre aux paysans de subvenir à leurs besoins, ajoute-t-il.
 
A Vallue, une des principales activités mises en place concerne la transformation des produits agricoles, à coté des initiatives de tourisme de montagne et des manifestations agro-écologiques.
 
Du point de vue de l’énergie, le technicien observe que généralement les paysans coupent des arbres pour fabriquer du charbon destiné à la consommation dans les milieux urbains.
 
« La demande (de charbon de bois) est particulièrement forte dans les villes », dit-il.
 
Faustin préconise des politiques pour favoriser des alternatives au charbon de bois dans les zones urbaines, où des mesures économiques et sociales durables doivent être adoptées.
 
« S’il y a de la volonté politique, on peut trouver des résultats », insiste l’agronome, pour qui le reboisement « ne doit pas être uniquement un slogan politique. »
 
Au début de juin, plusieurs personnalités ont invité le gouvernement « à laisser de coté les promesses » relatives à l’environnement pour « passer aux actes ».
 
Le sénateur Maxime Roumer, qui est intervenu dans le cadre d’un atelier le 6 juin, a déclaré que le gouvernement doit adopter des mesures concrètes pour faire face à la déforestation.
 
Il a suggéré, entre autres, l’élimination de taxes sur les produits servant de sources d’énergie alternative.
 
Pour sa part, Edouard Paultre, responsable du Conseil national haitien des acteurs non étatiques (Conhane) a invité les autorités gouvernementales à opter pour des politiques publiques qui sont réellement destinées à la protection de l’environnement et il a demandé à l’administration Martelly de faire passer la couverture végétale de 1.5% (actuellement) à 10%. [gp apr 18/06/2012 12 :00]
 
PS : Les photos publiées dans cet article ont été prises dans la région des Baradères
 
https://www.alainet.org/es/node/158890?language=en
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