Haiti-Choléra : Au-delà des chiffres, l’angoisse, l’incurie

11/11/2010
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Les autorités haïtiennes en partenariat avec les agences internationales déclarent tout mettre en œuvre pour combattre l’épidémie de choléra qui a fait 724 morts depuis son apparition en Haïti, il y a moins d’un mois, suscitant une angoisse croissante et mettant à nu l’incurie des gouvernements successifs.
 
L’épidémie, déclarée « problème de sécurité nationale » par le gouvernement, a aussi causé, pour le moment, l’hospitalisation de 11.125 personnes à travers 6 des 10 départements d’Haiti.
 
Tandis que le gouvernement concentre sa stratégie sur l’établissement de Centres de Traitement du Choléra (CTC), chaque nouveau mort ajoute à l’angoisse des de la population, profondément éprouvée le tremblement de terre du 12 janvier, qui a supprimé 300 000 vies et laissé 1,5 millions de sans abris.
 
Plus de 85% de ces personnes survivent dans des conditions infrahumaines dans des camps de fortune établis majoritairement dans la zone métropolitaine, où la présence de la maladie mortelle a été confirmée cette semaine.
 
77 nouveaux décès ont été enregistrés en 24 heures, ainsi que 919 hospitalisations dans 6 des 10 départements du pays, informe le dernier rapport du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), qui date du 9 novembre en cours.
 
Neuf des dix décès enregistrés en 24 heures dans le département de l’Ouest l’ont été à Port-au-Prince, dont au moins un officiellement dans le bidonville de Cité Soleil (périphérie nord).
 
Dans l’opinion publique haïtienne, on craint que la situation soit encore pire dans ce quartier populaire, alors que selon divers témoignages, des cas ont également été enregistrés dans d’autres quartiers de la capitale.
 
AlterPresse a appris qu’au moins cinq personnes sont décédées à la fin de la semaine dernière à Cité Soleil des suites de l’épidémie, une information non officiellement confirmée.
 
La Fondation Panaméricaine pour le Développement (PADF), une organisation internationale qui intervient à Cité Soleil, a exprimé ses préoccupations quant à une progression rapide de la maladie dans ce bidonville.
 
« C’est, bien entendu, une situation extrêmement dangereuse », opine Jeff Kerzner, directeur de PADF en Haiti, dans un entretien téléphonique avec AlterPresse.
 
Il y a eu « plusieurs décès » dans le quartier, où les conditions de vie précaires font de cette région « un terrain fertile pour la propagation rapide de la maladie », souligne-t-il.
 
En outre, cette région représente un point focal pour le transport vers divers secteurs de la capitale et du pays. Des navires partent du port de Cité Soleil vers le Sud du pays et des autobus font le va-et-vient entre le quartier et Delmas (secteur nord), Martissant (périphérie sud), en passant par le centre de la capitale.
 
Il convient de souligner l’absence de services de santé dans de nombreux blocs de Cité Soleil et des malades risquent de ne pas pouvoir atteindre l’hopital le plus proche.
 
Des opérations de distribution d’eau, de chlore, de médicaments ainsi que des sacs mortuaires ont eu lieu à Cité Soleil et les agents du ministère de la santé se sont entretenus avec les autorités locales pour discuter des mesures visant à lutter contre l’épidémie dans le quartier, a appris AlterPresse.
 
Une initiative serait en cours également en vue de l’installation à Cité Soleil d’une station de purification d’eau, tandis qu’une campagne de sensibilisation de la population au respect des principes d’hygiène est en cours.
 
Le nombre de décès cumulés par département depuis l’apparition de l’épidémie se présente comme suit : Artibonite 497, Nord 66, Plateau Central 58, Ouest (incluant Port-au-Prince) 52, Nord-Ouest 50, Sud 1.
 
La situation dans l’Artibonite et maintenant dans le Nord Ouest est « extrêmement inquiétante », suivant un constat de l’Organisation Non Gouvernementale internationale Action contre la Faim (ACF), qui intervient dans ces régions.
 
« Le nombre de cas de cholera augmente chaque jour et l’inondation de la ville des Gonaïves comprenant plus de 300 000 habitants va très certainement encore accélérer ce phénomène », souligne l’organisation dans un rapport transmis à AlterPresse.
 
L’ouragan Tomas qui a frappé Haiti la semaine dernière a fait 21 morts et 9 disparus.
 
« Au-delà de la nécessaire réponse d’urgence à ces crises, les besoins structurels en eau, assainissement et hygiène, vrais responsables de l’épidémie actuelle doivent être pris en compte dès maintenant », soutient ACF.
 
Selon une étude conduite en 2008 par cette organisation, seulement 41 % des Haïtiens a accès à des latrines dans leurs résidences et 51 % à l’eau potable, tandis que dans les zones rurales plus vulnérables, moins de 5 % de la population bénéficient de l’assainissement.
 
Ces chiffres interpellent quant à la responsabilité des autorités haïtiennes qui, à travers les années, n’ont rien fait pour favoriser l’éducation à la pratique de l’hygiène et empêcher la dégradation des services sociaux.
 
Certes, les conditions de vie des couches moyennes et pauvres ont été aggravées par le tremblement de terre de janvier. Cependant, il est navrant de constater que, depuis plusieurs décennies, la politique - le pouvoir pour le pouvoir - a toujours pris la plus grande place, tandis que les questions sociales et le bien-être collectif n’ont visiblement pas été le souci des administrations qui se sont succédé à la tête du pays.
 
Dans les conditions actuelles l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) estime que le choléra pourrait infecter des dizaines de milliers d’Haïtiens dans les années à venir.
 
https://www.alainet.org/es/node/145566?language=en
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