Un nouveau cycle des Forums Sociaux Mondiaux

18/01/2007
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A
Le mouvement altermondialiste n’est pas en panne. Il est de bon ton d’annoncer son essoufflement, et pourtant il ne cesse de s’élargir et de s’approfondir. Elargissement géographique d’abord comme en témoigne les Forums sociaux mondiaux de Porto Alegre, Mumbaï et demain Nairobi ; le forum polycentrique de Bamako, Caracas et Karachi ; les forums continentaux et les forums nationaux dont celui des Etats-Unis en juin 2006 à Atlanta ; la cascade ininterrompue des forums locaux. Elargissement social avec les mouvements paysans dont les mouvements de sans-terre, les syndicats ouvriers, les No-Vox dont les Dalits, les comités de quartiers dégradés et de bidonvilles, les forums de migrants, la marche mondiale des femmes, les camps de jeunes. Elargissement thématique avec les forums thématiques comme ceux de l’éducation, de l’eau et les forums associés des autorités locales, des parlementaires, des juges, etc.

Le mouvement altermondialiste a connu une montée en puissance considérable en un temps très court, en moins de dix ans. Pour autant, il n’a pas gagné. Il aurait été étonnant de gagner en si peu de temps ; d’autant qu’il n’est pas très simple de définir ce que gagner veut dire. Le mouvement altermondialiste est un mouvement de long terme qui s’inscrit dans la durée. Ce mouvement évolue en fonction des situations. Proposons quelques hypothèses.

Première hypothèse : nous achevons un cycle du processus des forums sociaux mondiaux, celui qui a été commencé après Seattle, et nous entrons dans une nouvelle période. Il s’agit de définir les éléments du projet correspondant à cette nouvelle période. Des changements politiques importants sont en gestation. D’autant que le néolibéralisme est en crise et que la phase néo-libérale de la mondialisation est probablement en cours d’achèvement. Nous arrivons aux limites de l’hégémonie du capital financier et de sa logique « court-termiste ». L’hégémonie économique états-unienne est épuisée. La montée en puissance économique de la Chine, de l’Inde et aussi du Brésil change la donne. La guerre perpétuelle suscite de nouvelles contradictions et les élections aux Etats-Unis introduisent des incertitudes sur la conduite des guerres. La situation en France va évoluer dans les périodes électorales et de recomposition politique. Le mouvement politique en Amérique Latine redéfinit, dans la diversité des situations, de nouveaux rapports entre mouvements et gouvernements.

Deuxième hypothèse : le mouvement altermondialiste a concrétisé une alternative. En partant de la contestation du néolibéralisme, le mouvement a affirmé le refus de la fatalité et est passé de la résistance à la contre-offensive et à la mise en avant d’alternatives. L’orientation stratégique qui s’est imposée à travers les Forums est la suivante : à l’organisation des sociétés et du monde par l’ajustement au marché mondial et la subordination au marché mondial des capitaux nous opposons l’organisation des sociétés et du monde autour du principe de l’accès aux droits pour tous. Ce principe a déjà changé la nature des mouvements dont la convergence forme la caractéristique principale de l’altermondialisme ; chacun des mouvements a évolué en intériorisant dans ses références la priorité donnée à l’accès aux droits pour tous.

Troisième hypothèse : le mouvement altermondialiste doit s’opposer à la nouvelle offensive idéologique. Le néo-conservatisme qui construit la suprématie du militaire et de la guerre perpétuelle et préventive. La structuration de l’économique par les discriminations et le racisme. La montée de l’idéologie sécuritaire, des retours identitaires, des fondamentalismes, de la tolérance zéro, de la criminalisation des mouvements.

Quatrième hypothèse : les modalités du mouvement altermondialiste se sont enrichies. Elles combinent les luttes et les résistances, les campagnes et les mobilisations, les pratiques sociales innovantes, l’élaboration, les alternatives, les propositions de négociation. Elles mettent en avant la construction d’une nouvelle culture politique qui chemine dans le fonctionnement des Forums. L’expertise citoyenne conteste le monopole de l’expertise dominante et de la pensée unique ; elle concrétise le passage de « TINA » (There Is No Alternative) cher à Madame Tatcher à la capacité de penser un autre monde possible.

Cinquième hypothèse : Le mouvement altermondialiste est un mouvement historique qui s’inscrit dans la durée. Il prolonge et renouvelle les trois mouvements historiques précédents. Le mouvement historique de la décolonisation ; et de ce point de vue l’altermondialisme a modifié en profondeur les représentations Nord-Sud au profit d’un projet commun. Le mouvement historique des luttes ouvrières ; et de ce point de vue la mutation vers un mouvement social et citoyen mondial. Le mouvement des luttes pour la démocratie à partir des années 1960-70 ; et de ce point de vue le renouvellement de l’impératif démocratique après l’implosion du soviétisme en 1989.

- Gustave Massiah est président du Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID). Décembre 2006

Source: Courriel d'information ATTAC (n°560), Jeudi 18/01/07.

 http://attac.org/

https://www.alainet.org/es/node/118885
Suscribirse a America Latina en Movimiento - RSS