Inquiétudes diverses
27/05/2003
- Opinión
La question politique domine encore l'actualité dans la
République d'Haïti. Les protagonistes de cette crise, en
particulier le pouvoir lavalas, n'ont pas consacré d'efforts
véritables pour normaliser la situation dans la république
caraïbe, trois ans après les élections controversées de
l'année 2000, estime l'organisation des Etats Américains
(OEA) dans son dernier rapport sur Haïti rendu public le 22
mai 2003.
Après avoir focalisé l'attention sur ce qu'il appelle «
restitution et réparation » de fonds versés à la France au
titre de la « dette de l'Indépendance », le régime lavalas
agite cette fois-ci la nécessité d'amender la Constitution
du 29 mars 1987. Désormais, un chef d'Etat pourrait avoir un
mandat de 10 ans, ce qui rappelle étrangement une tendance à
une volonté de « garder le pouvoir à vie », style
totalitarisme des Duvalier.
Entre-temps, les voyageurs clandestins dits boat people
reprennent la mer de plus belle à partir d'Haïti, en
direction des côtes des îles Bahamas et de la Floride aux
Etats-Unis d'Amérique.
Droit humain, insécurité et laxisme des autorités
L'impunité, qui gangrène le système judiciaire en Haïti, est
la cause principale des actes de violence et d'insécurité
qui tendent à s'accroître de nouveau dans la zone
métropolitaine de la capitale Port-au-Prince et dans
plusieurs villes du pays.
C'est la lecture faite par différents organismes haïtiens de
défense des droits humains face à la recrudescence des actes
de banditisme dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince et
des conflits armés entre gangs rivaux dans la grande
agglomération de Cité Soleil, à la sortie nord de la
capitale. Depuis une semaine, les gangs s'affrontent à coups
d'armes à feu et d'autres objets dans la cité Soleil. Aucun
bilan officiel n'est venu jusqu'à présent faire le jour sur
le nombre de personnes victimes des affrontements armés à
Cité Soleil, où les membres de la Police Nationale d'Haïti
(PNH), de par leur attitude passive, sont accusés d'avoir
fourni des armes aux gangs et d'être de mèche avec les
meneurs des gangs.
Le 10 mai 2003, au cours de l'émission très écoutée Ranmase
(Synthèse) de la station privée Radio Caraïbes, un ancien
inspecteur de la PNH en exil en République Dominicaine,
Presler Toussaint, a dénoncé la présence d'une «
personnalité douteuse », parmi les agents de sécurité du
ministre de l'intérieur lavalas Jocelerme Privert. Cet agent
de sécurité « douteux », qui serait lié aux groupes armés à
Cité Soleil, serait impliqué, a dit Presler Toussaint, dans
l'assassinat en 1995 de la policière Marie Christine Jeune.
Le corps de la policière Jeune avait été retrouvé criblé de
balles, peu de jours après qu'elle eut refusé, contrairement
à la demande du président d'alors Jean-Bertrand Aristide, de
donner l'accolade à des membres de l'« Armée rouge » de Cité
Soleil qu'elle a estimés devoir être derrière les barreaux
de la prison pour leur participation dans des actions
malhonnêtes dans la cité.
A proximité de Cité Soleil, des gangs armés continuent, ces
jours-ci, d'agir à visière levée en rançonnant chauffeurs et
passagers des véhicules publics et privés qui osent
s'aventurer sur « la route neuve », conduisant en direction
du Nord d'Haïti. Depuis environ 3 ans, de nombreux forfaits
sont perpétrés sur cette « route neuve », donnant accès par
le Nord à Cité Soleil et qui a été construite sous
l'administration de l'ex-président René Garcia Préval. Des
victimes rapportent que la police leur a toujours affirmé
n'avoir pas rencontré de bandits sur cette route,
lorsqu'elle y va en patrouille.
C'est sur cette « route neuve » qu'un avion aurait débarqué,
en début d'année 2003, une cargaison de drogue saisie par
des hommes lourdement armés, dont des membres de la PNH qui
auraient trempé dans l'opération, selon les informations
circulant à l'époque à Port-au-Prince.
La Police nationale d'Haïti est sur la sellette : un
inspecteur dénommé Frémont Ambroise, soupçonné d'avoir
abattu un habitant, a été lynché par des habitants de
Cavalier, localité de Côte de Fer, dans le Sud-Est d'Haïti.
Une balle se serait échappée accidentellement de l'arme de
l'inspecteur, tuant un habitant de Cavalier, a fait savoir à
la station privée Radio Métropole Jean Robert Faveur,
directeur départemental de la PNH qui a appelé la population
à recourir aux institutions judiciaires pour réclamer
justice. 4 arrestations ont été opérées en relation à cette
affaire, a indiqué la presse. D'autre part, des membres de
la PNH sont accusés d'avoir pris part à l'assassinat de 5
membres d'une même famille le vendredi 23 mai 2003 à Fort-
Liberté, localité de Petit-Goâve, à 68 kilomètres au sud de
la capitale. L'inspection générale de la PNH se trouvait sur
place le lundi 26 mai 2003 pour enquête.
Le régime lavalas, par la voix du secrétaire d'Etat à la
communication Mario Dupuy, n'a pas hésité à pointer du doigt
la presse indépendante qui aurait fait preuve de «
sensationnalisme » dans la couverture des faits d'insécurité
« en négligeant d'évoquer les saisies d'armes illégales »
faites par la PNH. Des habitants de la capitale, interrogés
par la presse, se sont inscrits en faux contre cette
accusation et ont rappelé que la presse indépendante
s'évertue à informer honnêtement l'opinion des faits
d'intérêt public.
Le même Mario Dupuy a annoncé que le régime lavalas compte
attaquer en diffamation quiconque s'avise d'associer le nom
du président du 26 novembre Jean-Bertrand Aristide dans la
question de banqueroute de la banque privée dominicaine
Baninter. Un des manitous de cette banque, l'ancien
ambassadeur de la République Dominicaine à Paris Luis
Alvarez Meza, aurait entretenu des relations serrées avec
Aristide, aurait prêté à ce dernier son avion personnel et
l'aurait visité plusieurs fois à Port-au-Prince, selon le
Monde Diplomatique qui a évoqué la banqueroute financière de
Baninter.
10 ans au lieu de 5, comme mandat présidentiel ?
De nombreux citoyens d'Haïti, dont d'anciens constituants,
ont élevé la voix contre le projet du régime lavalas de
procéder à un amendement de la Constitution du 29 mars 1987.
Au nombre des changements envisagés, les membres lavalas,
comme le sénateur contesté Jean-Claude Délissé, ont proposé,
entre autres, de porter à dix ans au lieu de cinq le mandat
présidentiel, qui serait renouvelé au gré de la décision
populaire. Le mode de renouvellement du mandat présidentiel
n'est pas clair dans la proposition de Délissé, semblant
identifier de nouvelles formes de désignation de
responsables qui seraient proches du referendum, interdit
par la Constitution du 29 mars 1987, aux yeux des
observateurs.
D'aucuns soupçonnent le régime lavalas de vouloir restaurer
la présidence à vie, sous une autre forme. Plusieurs membres
lavalas ont, en maintes fois, indiqué qu'à partir des
élections de l'année 2000, ils s'étaient accaparés du
pouvoir pour au moins 50 ans, à l'instar du Parti
révolutionnaire institutionnel (PRI) qui a gardé le pouvoir
pendant plus de 60 ans au Mexique.
Des partisans lavalas, non seulement dans des interventions
publiques, mais aussi dans des slogans qu'ils affichent sur
les murs, n'ont pas cessé de réclamer une « présidence à vie
» pour leur chef qu'ils tentent d'élever sur un piédestal
proche de la divinité. Le 7 avril 2003, à l'occasion du
200ème anniversaire de la mort du précurseur de
l'Indépendance d'Haïti Toussaint Louverture, des affiches du
pouvoir lavalas à l'effigie de Jean-Bertrand Aristide et de
Toussaint Louverture mentionnaient que le président du 26
novembre serait l'égal du premier des Noirs : « Deux hommes,
deux siècles, une même vision ».
Toujours est-il que le régime lavalas continue d'avancer
inexorablement dans « ses projets », sans crier gare et sans
craindre aucune contestation, sur la base de ce que ses
membres auraient été investis d'un « mandat populaire » qui
leur donne droit d'appliquer leur « plan pour Haïti ».
« Il n'y a pas de fumée sans feu », selon un proverbe
haïtien qui se vérifie régulièrement dans la réalité
quotidienne.
Les voyageurs clandestins reprennent la mer
Plus de 240 personnes ont été rapatriées dans le pays en
l'espace de quelques jours par les garde-côtes des États-
Unis d'Amérique, qui les ont interceptées en haute mer sur
de frêles embarcations en direction de terres hospitalières.
« Nous ne voulons pas fuir Haïti, mais nous voulons nous
échapper de la misère qui nous frappe. Même lorsque nous
investissons pour faire des passeports, nous n'arrivons pas
à obtenir des visas pour voyager à l'étranger. Quoi qu'il en
soit, nous allons tenter à nouveau l'expérience de la mer,
dans la mesure du possible.. », a déclaré le dernier groupe
de 48 boat people ramenés au pays le 26 mai 2003.
Cette vague de voyages clandestins en mer survient dans un
contexte où le régime lavalas vient de conclure, le 23 mai
2003, avec le gouvernement des îles Bahamas - qui renvoient
de temps à autre des compatriotes en Haïti, malgré la
présence de nombreux ressortissants du pays dans ces îles –
un projet conjoint d'accord-cadre de coopération qui devra
orienter les relations entre Haïti et les Bahamas dans des
domaines prioritaires, dont la question migratoire. Ces
derniers jours, les Bahamas ont refoulé à Port-au-Prince de
nombreux sans-papiers haïtiens.
Considérant que la question migratoire a toujours été une
pierre d'achoppement dans les relations bilatérales,
Fredrick Michel, ministre des affaires étrangères des
Bahamas, qui se trouvait en Haïti les 22 et 23 mai 2003, a
souhaité la poursuite des négociations entre les deux
gouvernements.
Traduction DIAL.
https://www.alainet.org/es/node/109184
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