Déclaration de la Première Rencontre de l'Hémisphère face à la Militarisation
08/05/2003
- Opinión
San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, Mexique
C'est pour l'humanité et contre le néo libéralisme qu'a
été lancé l'appel zapatiste, invitant le monde entier à
se réunir dans la forêt Lacandone en 1996, afin de
partager les espoirs et les utopies, les analyses et les
expériences, les préoccupations et les volontés. Les
résistances au modèle unique de domination et de pensée,
qui ont commencé il y a plus de 500 ans dans l'histoire
de nos peuples, se sont multipliées depuis. La révolte
contre l'empire, contre l'appauvrissement de nos peuples
en terres d'une grande richesse, contre la disparition de
nos cultures et de notre capacité à l'autodétermination,
a rendu les grands pouvoirs furieux. Ils répondent à
notre révolte par la militarisation générale; nous
répondons nous par l'organisation, la résistance et la
lutte.
Pour la démilitarisation des Amériques: voilà le cri qui
nous réunit sur ces généreuses terres du Chiapas. Nous
sommes venus de 28 pays différents pour réitérer notre
volonté d'autodétermination et de défense de nos
territoires et de nos ressources, notre décision de
construire une paix juste et digne pour tous les peuples,
pour partager et célébrer les expériences de résistance
en Amérique Latine et dans les Caraïbes, comme le départ
de la Marine des Etats Unis de Vieques, et pour
réaffirmer notre engagement de continuer à lutter jusqu'à
obtenir la démilitarisation du Continent.
Nous, les 929 hommes et femmes participant à la Première
Rencontre de l'Hémisphère face à la Militarisation[i],
qui s'est tenu à San Cristóbal de Las Casas du 6 au 9 mai
2003, représentants d'organisations et de mouvements
sociaux engagés dans la construction de sociétés
égalitaires, solidaires, pacifiques et aimantes de la
diversité, nous avons réunit idées et volontés pour
tracer des alternatives de paix face aux ardeurs
belliqueuses renouvelées des Etats-Unis, qui
caractérisent le scénario de ce début de XXI ième siècle.
La guerre sans fin et la militarisation sont l'autre face
de la concurrence et de l'économie de marché. Leurs
moyens d'expression les plus éloquents sont les armées et
les institutions financières internationales, comme le
FMI et la Banque Mondiale. Les politiques d'ajustement,
de privatisation généralisée et l'endettement croissant
des pays latinos américains et caribéens; le blocus comme
celui imposé à Cuba, l'embargo et les crises induites,
ainsi que la collaboration et la soumission des armées
régionales aux dispositions et aux intérêts des forces de
sécurité des Etats-Unis, sont les principaux outils
qu'utilise le système dominant pour essayer de faire
plier la résistance des peuples et pour piller leurs
richesses, avec en général la complicité enthousiaste des
gouvernements locaux.La militarisation entraîne de graves
violations des droits de l'Homme, dont les femmes
supportent les pires aspects; elle détruit les
communautés traditionnelles des peuples indigènes; elle
augmente la migration forcée de millions de personnes; la
destruction de l'environnement; et la répression des
mouvements populaires et des processus démocratiques et
souverains. Nous les peuples, nous luttons pour la vie,
la militarisation sème la mort.
Le processus de militarisation régi par les forces de
sécurité des Etats-Unis porte atteinte à la souveraineté
des peuples, en favorisant des interventions, des
exercices et des patrouilles, l'entraînement des soldats
nationaux, l'installation de radars, de systèmes de
surveillance et de renseignement par satellite et
terrestres, quand il ne s'agit pas d'établir directement
des bases militaires sur tout le continent.
La puissance militaire des Etats-Unis vise le contrôle et
le pillage des ressources naturelles comme le pétrole,
l'eau, la biodiversité et autres, dont l'Amérique Latine
conserve d'inappréciables richesses. Par ce pillage des
communautés humaines et naturelles sont dévastées,
l'environnement est dégradé et les possibilités de futur
de nos peuples sont annulées.
L'invasion de l'Irak est la barbarie la plus récente de
cette stratégie. C'est un crime contre le peuple irakien,
contre le peuple et l'ancestrale culture arabe et contre
l'humanité. Les gisements de pétrole et la volonté de ne
pas se soumettre ont condamné ce peuple à la destruction
la plus sauvage. L'attaque contre les pays placés sur ce
que l'on appelle "l'axe du mal" a clairement le profil
d'une guerre néocoloniale. Nous sommes tous de la chair
pour l'empire, nous sommes tous irakiens.
Avec des intérêts évidents à imposer leur domination les
Etats-Unis ont déchaîné une véritable croisade contre les
peuples, les pays et les mouvements qui luttent pour
l'autodétermination. Les occupations et les interventions
économiques et militaires comme le Plan Colombie, le Plan
Puebla Panamá, le Plan Dignité, ALENA, ZLEA et Initiative
Andine cherchent à faire plier l'insurrection, à
maintenir la domination des grandes entreprises sur les
ressources naturelles et à régir le destin de la région.
Convaincus que "un autre monde de paix est possible"
nous, hommes et femmes, lançons un appel urgent aux
peuples et aux gouvernements de la région pour qu'ils
assument ensemble l'engagement suivant:
1) Exiger le retrait immédiat de toutes les bases et
des militaires (d'opération et de renseignement) des
Etats-Unis qui se trouvent actuellement en territoire
latino américain et caribéen.
2) Exiger l'annulation de tous les exercices et
entraînements militaires supervisés par les forces armées
des Etats-Unis en Amérique Latine et dans les Caraïbes.
3) Empêcher la création de corps de sécurité privés,
militaires, paramilitaires et policiers dans nos pays.
Exiger que les armées nationales respectent les droits de
l'Homme, agissent dans la transparence et dans le cadre
des constitutions nationales.
4) Rejeter, et exiger la même chose des gouvernements
de la région, l'argument de la lutte contre le terrorisme
et le narcotrafic pour justifier l'intervention des
Etats-Unis dans la politique et sur le territoire de nos
pays.
5) Oeuvrer pour le désarmement immédiat et la
réorientation des ressources multimillionnaires qui sont
investies dans les armes vers les besoins des peuples
comme l'éducation, la santé, et tout ce qui permet la
diversité et l'égalité hommes femmes.
6) Défendre les principes de souveraineté, de culture
de paix et de justice économique et sociale, comme axes
centraux dans l'élaboration de tout projet national et
international.
7) Rétablir la communauté des Nations en tant
qu'organisme promoteur de la paix dans le monde et du
développement, régie par des principes d'égalité entre
les Etats et de respect intégral des droits de l'Homme.
8) Développer des accords de solidarité et d'échange
qui servent les intérêts et les besoins des peuples de la
région et non les intérêts d'un seul pays. C'est le cas
du Traité de Libre Commerce des Amériques (ALCA) qui
porte atteinte non seulement aux intérêts des peuples
mais aussi aux droits de l'Homme.
9) Remettre en question le rôle déplorable que jouent
les moyens de communication de masse en servant
d'instrument de propagande belliciste, occultant le
forfait qui est perpétré en Irak, en Palestine et en de
si nombreux endroits. Exiger d'eux des pratiques éthiques
et une transmission d'informations responsable, basée sur
des sources multiples et dignes de foi. Renforcer les
moyens de communication démocratiques et alternatifs.
Nous, hommes et femmes, représentants de 28 pays[ii]
présents à cette Première Rencontre de l'Hémisphère face
à la Militarisation, nous engageons à continuer la lutte
pour un monde de paix en lançant la Campagne pour la
démilitarisation des Amériques et la construction d'une
paix à la hauteur de la dignité de nos peuples.
Pour que les armes se taisent que parlent les peuples!
Une Amérique démilitarisée est possible
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[i] Convoqué par le Cri de exclus (es), Convergence des
Mouvements des Peuples des Amériques, Jubilée
Sud/Amériques, Nonviolence International Réseau du
Chiapas face au Néolibéralisme.
[ii] République Dominicaine, Haïti, Cuba? Porto Rico,
Guatemala, Le Salvador, Honduras, Costa Rica, Nicargua,
Panama, Pérou, Equateur, Bolivie, Colombie, Brésil,
Argentine, Chili, Canada, Etats Unis, Mexique, Italie,
Angleterre, Espagne, France, Grèce, Philippines,
Palestine et Nigéria
* Traduction. Maryse, Denis et Eva Ibanez
https://www.alainet.org/es/node/107757