Nouveau rapport :

La concentration et l’accaparement des terres prennent en Europe un caractère inquiétant

24/04/2013
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La concentration et l’accaparement des terres n’adviennent pas seulement dans les pays en développement ; en effet, ces deux phénomènes ont aussi cours en Europe aujourd’hui. Un nouveau rapport du réseau Coordination Européenne Via Campesina et Hands off the Land montre que l’accaparement des terres et l’accès à la terre sont, aujourd’hui en Europe, des questions cruciales, et révèle aussi les implications variées que peuvent avoir le régime des subventions et les autres mesures de la politique agricole commune (PAC) .
 
Ce rapport, impliquant 25 auteurs originaires de 11 pays différents, intitulé « La concentration et l’accaparement des terres et les luttes paysannes en Europe » révèle le scandale tenu secret, à savoir que seulement 3% des propriétaires terriens sont arrivés à contrôler la moitié des terres cultivables. Cette concentration massive de la propriété et des richesses foncières est comparable à celle ayant cours au Brésil, en Colombie ou aux Philippines.
 
Certains de ces processus de concentration croissante des terres ne sont pas nouveaux, bien qu’ils aient, ces dernières décennies, surtout pris de l’ampleur dans les pays d’Europe de l’Est. Beaucoup de compagnies européennes, de même que des nouveaux acteurs, y compris les compagnies chinoises et les Hedge Funds du Moyen-Orient, sont liés à des filières mondiales de plus en plus concentrées , tous cherchant à profiter de la spéculation grandissante sur les produits agricoles de base.
 
Le rapport de l’étude de cas approfondie observe les tendances à une forte concentration des terres en Espagne, en Allemagne, en Italie, en France et en Autriche, il fait aussi état de différentes formes d’accaparement des terres en Hongrie, en Roumanie, en Bulgarie, en Serbie et en Ukraine. Tout comme dans le cas de situations analogues en Éthiopie, au Cambodge, ou au Paraguay, beaucoup de ces transactions foncières à grande échelle sont réalisées de manière secrète et non transparente.
 
Le rapport révèle que l’un des moteurs principaux de la concentration et de l’accaparement des terres en Europe sont les subventions versées dans le cadre de la politique agricole commune ; celles-ci favorisent explicitement les grandes exploitations, marginalisent les petites fermes et bloquent l’installation d’agriculteurs potentiels. En Espagne, par exemple, en 2009, 75% des subventions ont été touchées par 16 % des plus grands producteurs.
 
Les autres domaines jouant un rôle clé dans l’accaparement des terres sont l’industrie extractive, l’extension urbaine, les intérêts immobiliers, les enclaves touristiques, et autres entreprises commerciales.
 
Le prof. Dr. Jan Douwe van der Ploeg, de l’université de Wageningen, membre de l’équipe de recherche, dit : « Il s’agit d’une dynamique de concentration et d’accaparement progressif des terres sans précédent. Cela a fait empirer la situation existante, à savoir que de nombreux jeunes voudraient pouvoir rester pauysan(ne)s ou s’installer en agriculture mais ne peuvent ni se maintenir sur les terres ni y accéder. C’était déjà, par le passé un problème important, mais cela n’a fait qu’empirer. Les subventions actuelles, accordées et planifiées par la Politique Agricole Commune, sont susceptibles de renforcer les obstacles à un accès plus démocratique à la terre et à l’installation des jeunes. L’accès à la terre est une des conditions primordiales pour parvenir à la souveraineté alimentaire en Europe. En effet, aujourd’hui, les trois problèmes les plus préoccupants en ce qui concerne le foncier en Europe, sont ceux relatifs à la concentration et l’accaparement des terres , et à l’impossibilité, pour les jeunes, de se maintenir ou d’accéder à la terre afin de pratiquer une agriculture paysanne. Leur caractère interdépendant et trilatéral rend ces problèmes relativement similaires à ceux que l’on rencontre actuellement en Afrique, en Amérique Latine et en Asie.
 
Ce rapport montre que la concentration et l’accaparement des terres ne vont pas sans susciter d’opposition, mais, au contraire, inspirent une vague de résistance massive. Cette année, la concentration et l’accaparement des terres sont au centre de cette journée des luttes paysannes. L’étude présente le cas de la communauté de Narbolia, en Sardaigne, qui se mobilise contre l’utilisation de terres agricoles de première qualité pour d’immenses projets d’implantation de serres solaires, et le cas de l’opposition au projet d’aéroport à Notre Dames des Landes, à Nantes, en France.
 
Il y a encore beaucoup d’autre cas d’occupation collective de terres, reflétant les actions de beaucoup de mouvements sociaux du Sud. Le rapport souligne le cas du « SOC », en Andalousie, où des paysans sans terres occupent collectivement la terre et la cultivent selon des méthodes agroécologiques, et de SoLiLA, à Vienne, où des jeunes gens se retrouvent afin de « squatter » des terres urbaines fertiles pour pratiquer une agriculture soutenue par la communauté et un jardinage urbain destiné à la production de nourriture, tout en évitant que ces terres ne soient transformées pour un usage commercial.
 
Jeanne Verlinden, de la Coordination Européenne Via Campesina (ECVC), nous dit que cette étude nous montre ceci : « La terre doit être à nouveau considérée comme un bien public. Nous devons réduire la marchandisation des terres et promouvoir la gestion publique de cette ressource commune de laquelle nous dépendons tous. La priorité devrait être donnée à une utilisation par des petits paysan(ne)s, pour une agriculture paysanne et pour la production de nourriture, plutôt qu’à un transfert à des intérêts commerciaux privés qui cherchent des terres pour la spéculation, accentuant ainsi la concentration croissante des richesses. L’accès à la terre devrait être donné à ceux et celles qui la travaillent. »
 
Télécharger ici le résumé du rapport en français ou le rapport complet en anglais.
https://www.alainet.org/en/node/75613?language=en
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