TPP, la « guerre économique » des États-Unis contre l’Asie et l’Amérique latine
- Opinión
La fin des négociations sur les principaux points de l’Accord de partenariat transpacifique (TPP, de par ses sigles en anglais) après six années de négociations et deux années supplémentaires pour sa consolidation complète marque une nouvelle configuration des zones de libre-échange.
Les zones de libre-échange actuellement en cours de négociations ne consisteront pas seulement en l’élimination de barrières commerciales mais représenteront des guerres économiques entre les grandes puissances menées par les États-Unis et la Chine qui définiront le nouvel ordre mondial.
Les stratèges américains ont obtenu d’énormes avances en freinant l’ascension économique de la Chine dans la région Asie-Pacifique l’excluant des négociations du TPP qui deviendra la zone de libre-échange avec les flux internationaux de commerce et investissement les plus volumineux.
L’appui des alliés stratégiques de Washington en Asie du Sud-Est a été décisif pour finaliser les négociations du TPP, mais le prix à payer par les stratèges américains a été de céder une partie du marché américain aux pays asiatiques, ce a qui a ouvert une concurrence économique entre l’Asie et l’Amérique latine.
De cette manière, les pays membres de l’Alliance du Pacifique qui font partie du TPP seront les principaux adversaires dans la nouvelle concurrence économique avec les pays asiatiques en raison de leur domination significative du marché américain.
La stratégie des membres de l’Alliance du Pacifique a été de participer aux négociations du TPP en vue de défendre les marchés américains dominés par leurs entreprises transnationales de sorte que l’impact sur la croissance économique soit assez faible vu qu’il se situera dans un intervalle de 0,8 à 1,5% pour les premières années.
La dispute économique qui s’avoisine pour le marché américain intimide les entreprises transnationales de l’Alliance du Pacifique compte tenu la force économique des entreprises asiatiques et leur relation stratégique avec la Chine.
Les entreprises asiatiques possèdent des ressources stratégiques produites par des entreprises publiques bien gérées par les autorités asiatiques, facteur qui les convertit en de sérieux rivaux pour disputer de nouveaux marchés.
En conséquence, les pays membres de l’Alliance du Pacifique demandent la suppression des subventions, des crédits préférentiels et des aides publiques afin d’affaiblir les entreprises appartenant aux états asiatiques[1].
La réponse des membres asiatiques s’est manifestée dans la possibilité d’effectuer l’élimination des aides publiques dans les secteurs non stratégiques de sorte qu’ils demandent que leurs entreprises publiques avec les niveaux de compétitivité et revenu les plus élevés restent en dehors des règles concernant la propriété des entreprises du TPP.
Le discours des négociateurs latino-américains revêt une double facette puisqu’ils souhaitent imposer des droits de propriété intellectuelle sur de nombreux secteurs (pharmaceutique, biologique, agrochimique) afin de neutraliser la concurrence qu’affrontent leurs grandes entreprises transnationales de l’Alliance du Pacifique quant à la création des innovations technologiques[2].
Le résultat des négociations sur les droits de propriété intellectuelle a été influencé par les demandes des négociateurs asiatiques qui aspiraient à obtenir des périodes de transition avant l’application des mesures liées à la protection des technologies des entreprises multinationales.
Les périodes de transition des droits de propriété intellectuelle permettront aux membres asiatiques de réaliser des investissements substantiels qui renforceront leurs innovations technologiques avant de commencer à être en concurrence avec les entreprises transnationales de l’Alliance du Pacifique[3].
Les membres de l’Alliance du Pacifique préparent une contre-attaque aux innovations technologiques car ils pourront établir des procédures pour raccourcir les périodes de transition et application des droits de propriété avec lesquelles ils attaqueront les entreprises asiatiques sans mécanismes de défense et de protection.
D’autre part, les grands investissements de la Chine qui bénéficieront les entreprises asiatiques seront l’arme utilisée pour vaincre définitivement l’Alliance du Pacifique sous les initiatives régionales de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures et la Banque de développement des BRICS.
Les investissements des initiatives financières régionales se concentreront sur la construction de grands projets d’infrastructure qui fortifient les chaînes de valeur du continent asiatique de manière à renforcer les relations économiques des pays asiatiques avec la Chine.
L’approfondissement de l’intégration asiatique assurera une forte compétitivité des exportations des membres asiatiques étant donné que les biens se composent d’une grande variété de produits à des coûts extrêmement bas en provenance de la Chine.
Pourtant, les règles d’origine en vigueur des traités de libre-échange des États-Unis favorisent l’Alliance du Pacifique puisqu’elles stipulent que les préférences tarifaires sont appliquées sur les biens composés uniquement de produits en provenance des pays intégrant les zones de libre-échange.
L’offensive des membres asiatiques a été immédiate car ils ont exigé que le cadre institutionnel fonctionne en accord avec un nouveau principe commercial qui accepte des produits des partenaires commerciaux extracommunautaires mais qui demande un pourcentage minimum de contenu régional sur les biens produits[4].
La réponse des pays latino-américains a été d’augmenter les pourcentages minimums de contenu régional pour résister à la compétitivité des produits en provenance de la Chine, mais ils ont exclu leurs secteurs qui importent une énorme quantité de produits.
D’autre part, le désavantage des pays asiatiques réside dans le fait que les investissements de la Chine ne dépasseront pas les frontières régionales de l’Asie pour arriver aux marchés européens au moyen de la construction de la route maritime de la Chine vers l’Europe en passant par les pays de l’Asie du Sud-Est.
Les pays membres de l’Alliance du Pacifique seront forcés de trouver de nouveaux marchés devant la situation de désavantage des pays asiatiques mais sa conquête demande plus d’investissements sous des conditions différentes de celles reçues dans le cadre de leurs traités commerciaux.
Le financement proviendra des États-Unis qui sont le principal investisseur international et qui maintiennent une relation stratégique avec les membres de l’Alliance du Pacifique mais il anéantira leur souveraineté sur le plan économique et financier.
Les nouvelles règles concernant les flux d’investissement entre les pays membres du TPP ne permettront pas de réaliser des politiques publiques qui appuient la croissance économique, qui régulent les principales activités économiques et qui stimulent la création d’emplois et seront accompagnées de sanctions économiques coûteuses appliquées par des tribunaux internationaux[5].
Les intérêts des entreprises étrangères de Washington se concentrent sur la plus grande obtention possible des gains de grandes entreprises transnationales de l’Alliance du Pacifique, facteur qui n’est pas compatible avec l’augmentation de la compétitivité des secteurs stratégiques et la possibilité de disputer des marchés avec les entreprises asiatiques.
En revanche, la politique étrangère de la Chine vise à promouvoir le développement industriel des pays asiatiques en signant des accords bilatéraux de libre-échange, des pactes de financement conjoint d’infrastructure, des permis de libre circulation de personnes pour les convaincre de fortifier leurs relations avec le géant asiatique.
Par ailleurs, les sources de financement des pays asiatiques seront diversifiées en raison des investissements de la Chine qui rivaliseront avec les investissements des États-Unis et qui établiront une zone d’influence afin de neutraliser les attaques des tribunaux internationaux manipulés par Washington.
L’absence d’alliés stratégiques du côté des membres de l’Alliance du Pacifique facilite l’attaque des entreprises américaines qui profiteront de la position défavorable dans laquelle se trouvent les pays latino-américains sur le plan des négociations devant les jugements des tribunaux internationaux.
La main d’œuvre des entreprises de l’Alliance du Pacifique perdra des avantages sociaux sur les niveaux de salaires, les prestations sociales, protections de l’État afin d’ promouvoir leur compétitivité internationale et d’appuyer leur rentabilité devant la possible perte de marchés aux États-Unis.
D’autre part, les pays asiatiques du TPP possèdent aussi un centre financier à Singapore qui canalise les investissements en provenance des économies avancées pour les investir massivement dans les économies asiatiques émergentes.
Les prêts des banques asiatiques se multiplient exponentiellement dans la région Asie-Pacifique en créant de divers domaines de coopération avec l’appui de projets d’infrastructure, la promotion de l’usage des monnaies locales et l’application des régulations financières régionales[6].
Par contre, les membres de l’Alliance du Pacifique possèdent encore une structure financière fortement dépendante étant dominée par des banques transnationales, ancrée au dollar pour financer leurs projets d’investissements et déréglementé afin d’appliquer les règles financières internationales.
L’aspiration américaine à contrôler les flux d’investissement dans le secteur financier des membres du TPP sous la domination du dollar et la dérèglementation financière supprimerait la solidité financière des membres asiatiques donnant l’opportunité à l’Alliance du Pacifique de démanteler leur infrastructure financière.
En résumé, l’absence de mécanismes de régulation dans la zone de libre-échange du TPP annonce une dispute économique dont le dénouement sera l’annihilation des secteurs productifs les moins compétitifs et les plus vulnérables devant l’usage d’armes potentiellement destructrices entre l’Asie et l’Amérique latine.
- Ulises Noyola Rodríguez, Collaborateur dans la Division de l’Économie à l’UNAM au Mexique.
[1] Congressional Research Service. The Trans-Pacific Partnership (TPP) Negotiations. Date de publication: 20/03/2015.
[2] Wikileaks. Intellectual Property Rights Chapter. Date de publication: 01/05/2015.
[3] Public Citizen. TPP Transition Periods on Pharmaceutical Intellectual Property Rules. Date de publication: 09/10/2015.
[4] New Zealand Foreign Affairs & Trade. Rules of origin and Origin procedures of TPP. Date de publication: 01/11/2015.
[5] Wikileaks. Analysis of Leaked Trans-Pacific Partnership Investment Text. Date de publication: 25/03/2015.
[6] Banque des règlements internationaux. The rise of regional banking in Asia and the Pacific. Date de publication: 01/09/2015.
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