N’oublions pas le Honduras!
28/06/2011
- Opinión
Il y a tout juste deux ans, le 28 juin 2009, un coup d’Etat civico-militaire renversait le gouvernement progressiste de Manuel «Mel» Zelaya Rosales, devenu président du Honduras trente mois auparavant. Ce coup d’Etat, qui vit l’armée expulser un président en exercice, fut la première rupture institutionnelle intervenue depuis trois décennies en Amérique latine, si l’on excepte la brève mise à l’écart d’Hugo Chávez, au Venezuela, en avril 2002.
Le «golpe» et ses centaines de victimes civiles secouèrent non seulement le Honduras mais aussi tout un continent entré dans une phase historique nouvelle, marquée par le renforcement du jeu démocratique. Consciente de l’enjeu, la diplomatie latino-américaine s’employa à isoler les putschistes. La mobilisation du peuple hondurien, au sein du Front national de résistance populaire (FRNP), suscita une solidarité internationale renouvelée.
Cinq mois après le coup d’Etat, des élections – boycottées par l’opposition en l’absence de garanties démocratiques – furent remportées par le conservateur Porfirio Lobo, plaçant de fait l’actuel gouvernement dans la continuité du coup d’Etat.
Depuis l’entrée en fonction de M. Lobo, le Comité des familles de détenus et de disparus (COFADEH) a dénombré trente-quatre assassinats de paysans lors de conflits sur la terre, essentiellement dans la vallée de l’Aguan, 431 détentions illégales, 26 cas de tortues et 6 disparitions forcées. Avec 10 journalistes assassinés, le petit Honduras est devenu, avec le Mexique, le pays le plus dangereux pour l’exercice de cette profession.
La continuité entre les deux régimes s’est également exprimée sur le plan idéologique. M. Lobo a poursuivi sans relâche le démantèlement des politiques sociales du gouvernement Zelaya entamé par les putschistes. La situation socio-économique du pays est catastrophique, 25% de la population vivant une situation d’extrême pauvreté.
Après la signature, le 22 mai 2011, d’un accord entre le président de facto et le président renversé, Manuel Zelaya a pu rentrer au pays, ouvrant de nouvelles perspectives de lutte politique. En contrepartie, le Honduras a réintégré l’Organisation des Etats américains (OEA).
Mais si la résistance hondurienne a pu fêter le retour de son coordinateur, elle a bien des raisons de se méfier du régime en place. Comme le disait cette semaine une militante du mouvement social hondurien de passage en Suisse, «la société civile internationale doit continuer de faire pression, y compris en conditionnant la coopération, les prêts et les investissements au respect effectif des droits humains». Et elle appelait «à ne pas oublier le Honduras».
Ne pas oublier le Honduras, cela signifie aussi être plus exigeant face à la timide politique officielle de la Suisse envers le Honduras. Il faut se souvenir que Berne fut l’une des rares capitales représentées lors de l’investiture de Porfirio Lobo...
Ne pas oublier le Honduras, cela signifie surtout poursuivre la solidarité avec les résistants honduriens. Une manière évidente de rejeter toute tentative de retourner au passé autoritaire de l’Amérique latine du siècle passé. Même fragiles et socialement imparfaites, les démocraties continentales valent mille fois mieux que les dictatures d’antan. Il y a trente ans, un quart des Latino-Américains vivaient en démocratie. Aujourd’hui, sur 577 millions d’habitants de ce continent, seuls 8 millions de Honduriens doivent encore (re)conquérir ce droit.
- Sergio Ferrari y Benito PerezCollaboration Le Courrier- E-CHANGER
Traduit de l’espagnol par Hans-Peter Renk.
https://www.alainet.org/en/node/150817
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