L’eau, bien commun de l’humanité et droit humain.
- Opinión
Buenos Aires, le 26 mars 2009.
On sait déjà que le XXIème siècle sera le siècle des conflits pour l’eau, car « l’or bleu » est devenu l’une des ressources stratégiques les plus importantes. Le contexte international actuel présente une préoccupante rareté de cette ressource fondamentale pour la vie. Dans le monde, 1 milliard 200 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, 4 millions d’entre elles meurent chaque année de maladies provoquées par le manque d’eau potable et 6000 enfants meurent chaque jour pour avoir consommé de l’eau non potable.
Le manque d’eau au niveau mondial est encore aggravé par différents facteurs : en particulier, par sa pollution et sa marchandisation croissantes, mais surtout par l’inégalité de sa répartition. Ce schéma se répète à différents niveaux. Par exemple, en Argentine, alors que nous avons d’importantes réserves d’eau, 20% de la population rurale n’a pas accès à une bonne source d’eau potable. De plus, dans bien des zones du pays, l’eau présente un niveau élevé de pollution causée surtout par les grandes entreprises minières, par l’utilisation des agro toxiques et par diverses activités industrielles. En même temps qu’elles polluent l’eau, les grandes entreprises minières comme « Minera Alumbrera Ltd » et « Barrick Gold Corp », utilisent cette ressource de façon indiscriminée. En effet, elle consomment près de 100 millions de litres d’eau par jour avec l’autorisation des autorités publiques et sans s’intéresser le moins du monde aux dommages que cela provoque.
D’un autre côté, il faut remarquer que 97,14% de la quantité totale de l’eau est salée et que seulement 2,59% est douce. De plus, 70% de cette eau douce est congelée dans les pôles et dans les glaciers. C’est pourquoi les glaciers constituent une réserve d’eau essentielle pour notre peuple. Ils ont aujourd’hui une importance fondamentale dans quelques provinces du pays et vont devenir de plus en plus indispensables.
Souvenons-nous que l’eau est un bien commun de l’humanité et que sans eau potable, il n’y a pas de vie. C’est donc notre devoir à tous de la protéger. Toute la population mondiale devrait avoir un accès libre à ce bien commun car l’accès à l’eau est un droit humain. Nous devons le défendre et faire reconnaître ce droit par nos gouvernants.
Du 16 au 22 mars de cette année, s’est tenu à Istanbul le Cinquième Forum Mondial de l’Eau qui s’est terminé par une Déclaration Ministérielle qui ne reconnaît pas l’accès à l’eau potable comme un droit humain. Ce n’est pas une surprise car ce « Davos de l’Eau » était organisé par le « Conseil Mondial de l’Eau », une institution dominée par les multinationales de l’eau, intéressées à développer une vision de l’eau comme marchandise et non comme bien commun de l’humanité.
En Argentine, après avoir opposé son veto à la loi 26.418 du « Budget environnemental minimal de la Protection des glaciers et de l’environnement périglaciaire », la Présidente Christina Kirchner, a confié la rédaction d’une nouvelle loi à un Forum Interdisciplinaire. De même que lors du Forum Mondial de l’Eau, on ne pouvait pas attendre grand chose de ce forum convoqué par le pouvoir exécutif, puisque parmi les participants se trouvaient les meilleurs défenseurs des entreprises miniaires qui avaient fait pression pour obtenir le veto, comme le Gouverneur de San Juan, José Luis Gioja. Après le « veto obtenu par la Barrick Gold » et les nombreuses réunions du forum, un nouveau projet a surgi qui ouvre les portes à la destruction de nos glaciers et qui aura comme conséquence la réduction de l’eau potable disponible pour la population.
Derrière les modifications des normes, qui pourraient paraître trop faibles au grand public, se cache « toute la duperie de la loi de protection des glaciers » qui en réalité laisse bien mal protégés tous nos biens naturels. Comme le fait remarquer le président de la Fondation pour la Défense de l’environnement, ce nouveau projet « laisse sans protection tout l’environnement des glaciers, afin que les entreprises minières et pétrolières puissent exploiter sans entraves la Cordillère des Andes », puisque l’environnement autour des glacier reste « fondamental pour l’alimentation des rivières lorsque les glaciers se décongèlent ». L’explication de cette situation se trouve dans le changement de l’article 2 de la loi qui a modifié de manière trompeuse la définition de l’environnement périglaciaire, à tel point que, selon le Dr Carlos Seara, « dans les conditions signalées dans ce pré projet, l’Environnement Périglaciaire n’existe plus ».
Nous sommes aussi préoccupés par la modification d’autres articles de cette loi, comme l’article n°15 qui, dès maintenant, n’exige plus la réalisation d’un audit environnemental pour toutes les activités qui sont en cours dans les glaciers et dans leur environnement. De plus, ce nouvel article définit en termes très ambigus la responsabilité des provinces en laissant aux gouvernements provinciaux la vérification de l’adéquation à la norme de toutes ces activités.
Cela équivaut à laisser entre les mains des gouverneurs, favorables aux exploitations minières, le soin et le futur de notre eau ! Il n’est pas difficile d’imaginer que le gouverneur de San Juan ne va pas interdire les projets de la Sté Barrick Gold, bien que cette dernière entreprise soit déjà directement responsable de le destruction de 3 glaciers des Andes et qu’elle ait déjà provoqué dans une étape exploratoire la diminution de 50 à 70% de ces mêmes glaciers.
Il nous faut aussi mentionner le fait que la grande industrie minière provoque d’autres terribles impacts sur les populations locales en Argentine et dans d’autres pays. En plus de la destruction des glaciers, de l’usage indiscriminé de l’eau et de sa pollution, ces grandes entreprises minières causent aussi de nombreuses violations des droits humains tels que le droit à la santé, le droit de vivre dans un environnement sain et tous les autres droits économiques, sociaux et culturels.
Nous insistons encore pour définir l’accès à l’eau comme un droit humain. Le respect de ce droit peut seulement être garanti par une gestion et une protection adaptée de ce bien commun. Pour cela, on a besoin de respecter le droit du peuple à son autodétermination. Ce qui implique sa participation effective aux décisions politiques et à l’élaboration d’une loi aussi importante que la Loi de Protection des Glaciers. Devant les pressions exercées par les entreprises minières et par les gouverneurs provinciaux qui les soutiennent, nous devons opposer la vigilance et la volonté du peuple pour qu’on arrête de favoriser les intérêts privés et qu’on protège vraiment les glaciers de façon effective et plus largement, l’eau et les autres biens naturels.
(Traduction Francis Gély)
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