L’indispensable manifestation de la vérité
- Opinión
P-au-P., 19 déc. 2016 [AlterPresse] --- Les démarches de contestation des résultats préliminaires de l’élection présidentielle et des scrutins législatifs du 20 novembre dernier suivent leur cours dans une ambiance de suspicion, créée tout de suite après la tenue de ces joutes.
Cette atmosphère est alimentée par les secteurs politiques concernés, mais elle est aussi favorisée par quelques faiblesses institutionnelles ou des maladresses et hésitations apparentes du Conseil électoral provisoire (Cep).
Dans la confusion ambiante, seule la manifestation de la vérité peut véritablement rétablir la confiance. Cette vérité ne sera obtenue que suite à un processus d’examen des documents gardés au Centre de tabulation des votes (Ctv) et même un recomptage approprié, si nécessaire.
Devant le Bureau du contentieux électoral national (Bcen), ce 19 décembre, les avocats des formations Pitit Dessalines, de la Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation haïtienne (Lapeh) et de Fanmi lavalas exigent une vérification approfondie au Ctv, une demande que ceux du Parti haïtien tèt kale (Phtk) jugent injustifiée, à cause, selon eux, de l’absence de preuve concernant les résultats préliminaires incriminés.
Jovenel Moise, du Parti haïtien tèt kale (Phtk) est en tête dans les résultats prélimnaires, avec 55.67% des suffrages exprimés, contre 19.52% attribués à Jude Célestin, 11.04% à Jean-Charles Moïse de Pitit Desalin et 8.99% à Maryse Narcisse de Fanmi Lavalas.
Un premier pas sera franchi, si le tribunal électoral autorise la vérification, suite à ses délibérations après avoir entendu les parties intéressées.
Il faudra aussi déterminer la méthode qui puisse à la fois être acceptée par tous, qui soit scientifiquement inattaquable et qui permette de produire des résultats assez rapidement. Car, suivant le calendrier électoral, le 29 décembre est la date butoir pour la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle.
D’autre part, s’il y a des sanctions à prendre, les conditions devront être réunies pour qu’elles soient adoptées et exécutées.
C’est à ce prix que, si les forces politiques montrent une certaine maturité, la capacité de privilégier les intérêt communs et la construction démocratique, la confiance sera rétablie, celle-ci étant essentielle pour les étapes à venir.
Stabilité ?
En réalité, la méfiance constitue un des éléments dominants de la crise politique à laquelle Haïti est confrontée depuis des années. Les élections successives ont toujours, pour la plupart, généré des doutes. La légitimité des élus a toujours été affectée, ce qui a souvent débouché sur des crises plus aigues après les élections.
D’autre part, la vérité électorale permettrait de jauger les réels rapports des forces politiques sur le terrain, même s’il faut reconnaître que l’élite économique a jeté tout son poids dans la balance pour la faire pencher en faveur d’un candidat. De même, aucun moyen supposément déloyal et immoral n’aurait été écarté pour obtenir des votes, même en les achetant !
Un tel parcours, permettrait-il de parvenir à un minimum de stabilité ? Ce serait du moins un pas important. Bien entendu, si tout nouveau dirigeant comprenait la nécessité d’aborder le pouvoir avec humilité, sens de la mesure, esprit de responsabilité, volonté d’apaisement, respect des libertés, des normes et des institutions, caractérisées par une faiblesse chronique.
Parallèlement, il faudrait aussi que les partis politiques puissent dégager un espace pour pouvoir se construire ou grandir en se rapprochant des attentes de la société.
Dans un milieu où l’autoritarisme et le clientélisme ont fait leur lit, il y a là un vrai défi. Il s’agit d’un travail patient de régénérescence de la conscience politique des citoyennes et citoyens dans un contexte hostile marqué par la précarité accrue et une avancée inquiétante de réseaux criminels et mafieux dont les tentacules s’étendent inexorablement. Malgré la présence dans le pays d’une force militaire onusienne en mission de stabilisation depuis 12 ans.
Les appréhensions sont d’autant plus justifiées qu’une partie des prochains élus sera formée de repris de justice et de délinquants notoires qui ont pu se faufiler dans la course électorale en 2015, à la faveur de la présidence de Michel Martelly, la complaisance de l’ancien Conseil électoral et l’indifférence citoyenne.
Or, le nouveau personnel politique aurait à prendre des décisions capitales pour l’avenir du pays, aussi bien au plan démocratique qu’économique. Par exemple, il y aura à remplacer l’ensemble des juges de la Cour de cassation, plus haute cour de justice du pays et mettre en place désormais un Conseil électoral permanent, prévu par la constitution de 1987 – près de 30 ans !
L’état des forces en présence permettra-t-il que les opérations liées à la construction institutionnelle se passent dans la transparence, le respect des principes démocratiques et de l’intérêt commun ?
Pourra-t-on dans la sérénité mettre en œuvre des formules appropriées pour arrêter la dégringolade de la monnaie haïtienne la gourde passant en 5 ans de 40 à 68 gourdes pour 1 Usd ? Adresser, entre autres, des problèmes économiques et sociaux aiguisés par le passage du puissant ouragan Matthew qui a détruit le Sud du pays et aggravé la crise environnementale ?
20 décembre 2016
http://www.alterpresse.org/spip.php?article21055#.WFl0VdTYR0w
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