Le rendez-vous manqué des législatives du 9 août en Haïti
- Opinión
Les élections législatives du 9 aout dernier en Haïti, déroulées dans une ambiance chaotique et boudées par la plupart des électeurs et électrices, étaient pourtant cruciales pour l’avenir démocratique du pays.
Alors qu’une crise post-électorale semble s’annoncer, divers enjeux sont mis en relief dans le cadre de ce scrutin dont certains concernent le cadre institutionnel de l’État et d’autres touchent aux perspectives de développement socio-économique.
Ces élections, attendues depuis 4 ans, doivent permettre de renouveler la chambre basse, passant de 99 à 119 députés, et de compléter le sénat amputé de deux tiers de ses membres, soit 20 sénateurs.
Un vide parlementaire existe depuis janvier dernier, lorsque le mandat des députés et celui d’un second tiers des sénateurs ont pris fin.
L’existence du parlement en soi est ainsi un enjeu, au moment où le pays ne parvient pas à jouir d’une véritable stabilité politique.
Il s’agit donc de réhabiliter le parlement dans son existence même, en tant que pouvoir à part entière, qui devra contribuer à établir l’équilibre face à un exécutif trop dominant et, semble-t-il, tout puissant.
« Chaque pouvoir est indépendant des deux (2) autres dans ses attributions qu’il exerce séparément », proclame la constitution haïtienne.
En dépit de la résistance de certains sénateurs et députés, durant la dernière législature (49ème), le pouvoir législatif a été sérieusement ébréché et a essuyé pratiquement le mépris de l’exécutif. Cette situation a été favorisée par le clientélisme, qui a caractérisé le comportement de nombreux parlementaires, recherchant des avantages particuliers auprès des membres de l’exécutif et des responsables d’organismes déconcentrés de l’État.
Le parlement a vu s’éroder son pouvoir de contrôle de l’exécutif. A plusieurs reprises, l’ancien premier ministre Laurent Lamothe n’a daigné répondre aux invitations des députés et sénateurs pour s’expliquer sur les actions de l’équipe au pouvoir.
Il en a été ainsi, même pour la loi des finances, reconduite d’année en année, sans que les observations du parlement ne soient prises en compte. Or, le budget constitue un cadre de négociation où le sénat et la chambre des députés sont capables d’influencer la politique socioéconomique appliquée, en prenant en considération des préoccupations de toutes les couches de la société.
Le parlement a été vidé de toute substance en regard des attributions qui lui sont fixées par la constitution, jusqu’à ce que la législature disparaisse en janvier 2015, en partie sous le poids de ses propres contradictions non résolues. Sous le poids également des nombreux scandales et controverses qui ont terni son image.
Les sénateurs et députés, qui devaient eux-mêmes, en quelque sorte, constituer un rempart contre la corruption, se sont embourbés dans de sombres affaires et ont été éclaboussés par des scandales à répétition.
La législature à venir devra, d’autre part, mettre de l’ordre dans ses rapports avec les pouvoirs locaux à remettre sur pied à partir des élections municipales et locales prévues le 25 octobre prochain, en même temps que les présidentielles et le deuxième tour des législatives.
Trop souvent on a vu des députés se prendre pour des maires, cherchant à gérer directement des fonds d’investissement pour pouvoir en tirer les bénéfices économiques et politiques. Ils s’assurent ainsi de pouvoir récolter la sympathie des populations locales et élargir leur réseau clientéliste pour garantir indéfiniment leur réélection lors de scrutins truqués. Et la roue pourra continuer à tourner.
Le parlement doit être aussi, comme le montre la tendance depuis quelques années, un interlocuteur pour diverses structures citoyennes et groupes sociaux sur des thématiques d’intérêt public, comme le respect des droits humains, la justice, l’exploitation et la gestion des ressources naturelles nationales, la décentralisation, la question de genre, etc.
Le dossier de l’amendement constitutionnel revêt aussi une importance capitale. Car depuis l’amendement à la va-vite de 2011, le pays est empêtré dans un imbroglio sans aucune perspective de s’en sortir. La constitution, votée en 1987 en Créole et en Français, n’a été amendée que dans sa version française. La validation de cet amendement, dont on n’est pas sur d’avoir trouvé la version originale, s’est faite sur la base d’une entente atypique entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
En outre, l’amendement de 2011, dans son contenu, a consacré un pas en arrière en matière de démocratie participative, orientation maitresse de la constitution de 1987. A titre d’exemple, des prérogatives accordées aux collectivités territoriales dans la gestion du foncier et la constitution du Conseil électoral permanent (Cep) ont tout simplement été supprimées.
Le pouvoir de désignation des 9 membres du Cep est désormais concentré entre les mains de l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il y a là un enjeu de taille pour la prochaine législature, qui aura à choisir un tiers des membres de l’institution électorale permanente.
Enfin, le sénat devra contribuer à mettre de l’ordre dans la diplomatie haïtienne, qui, au cours des 4 dernières années, est devenue pléthorique et encore plus inefficace, sous l’effet des avantages particuliers recherchés par des sénateurs en quête d’emplois pour leurs proches.
C’est dommage que les opérations électorales du 9 aout, déroulées dans une ambiance n’inspirant aucune confiance, ne permettent pas d’espérer que le personnel qui en sortira aura la légitimité, la crédibilité, la vision et la volonté politique nécessaires pour assumer de telles responsabilités.
D’autant que, dans le contexte actuel de faiblesse institutionnelle, le Conseil électoral provisoire n’a pas su barrer la route à des candidats à moralité douteuse, réputées être des assassins, des voleurs, des kidnappeurs, des violeurs, des trafiquants de drogue et d’armes à feu, des faussaires, des escrocs et autres bandits de grand chemin.
http://www.alterpresse.org/spip.php?article18673#.VcuLkrV1yyc
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