Le Brésil face à la montée de la droite conservatrice et aux méthodes fascistes
- Opinión
La crise économique au Brésil n’a rien d’alarmant, contrairement à ce que décrivent les grands médias brésiliens, car le pays dispose de ressources naturelles abondantes et son économie est relativement diversifiée. Plus inquiétante est en revanche la crise politique qui traverse le pays.
Il y a longtemps que l'opposition conservatrice et le presque-parti Globo essaient d’exploiter l'usure du pouvoir et parient sur l’échec des politiques de développement avec l'inclusion sociale. La campagne mensongère sur la détérioration de la situation politique et économique au Brésil depuis que Lula et Dilma sont arrivés au pouvoir est notoire. Ils préfèrent la faillite économique du pays plus que sa réussite, en créant un climat de déstabilisation en permanence.
Globalement, malgré la crise systémique globale du capitalisme, malgré les grands enjeux auxquels doit faire face le pays, le potentiel de croissance de l'économie brésilienne repose sur des bases relativement solides, en partie grâce aux dispositifs mis en œuvre par le gouvernement qui ont permis un important assainissement budgétaire qui selon le gouvernement va assurer la continuité d’une politique d’insertion sociale. Si on fait un diagnosticde la situation de la crise du capitalisme financier pendant la pire période de la crise mondiale, l’économie brésilienne a bien résisté avec une croissance économique continue (une moyenne annuelle de 3,5%). Le pays a brillamment passé l’épreuve avec l’appui d’une politique d’Etat à peu près keynésienne et sans déranger beaucoup le courant néolibérale en sachant profiter de ses contradictions.
La crise économique au Brésil n’est pas désespérante…
Il y a peu de pays dans le monde dont les conditions sont favorables à une sortie de la crise économique à court terme, mais les signes de reprise sont là et la situation du Brésil n’est pas désespérée.
Au Brésil, la croissance a été plus durable que dans la zone Euro par exemple, ainsi pendant les onze dernières années la politique gouvernementale a réussi à baisser le chômage, créer des emplois et réduire les inégalités. Personne n’a douté de la solidité de ses fondamentaux économiques et de la maturité de ses institutions politiques. Les gouvernements de Lula et Dilma ont mis en place des politiques redistributive qui ont favorisé considérablement les pauvres et la classe moyenne. Le rôle de l'État a été décisif dans la promotion des politiques de développement inclusif. Ils ont stimulé l'économie avec des programmes de distribution budgétaire destinés aux entreprises surtout aux moyennes, petites et micro entreprises. Toutefois, il y a eu un certain retard dans les investissements d’infrastructures, ainsi que dans la mise en place de reformes structurelles. Peut-être peut-on s’interroger sur le manque de prévision de l’évolution des politiques publiques et d’audace pour bâtir la construction d’un nouveau modèle social capable de répondre aux attentes des classes moyennes sans délaisser les populations les plus défavorisées. La question se pose aujourd’hui du manque d’une vision plus holistique du développement territorial. Pour échapper à la crise économique d’ordre mondial et relancer la demande intérieure le gouvernement de Dilma R. a continué à inciter les nouveaux segments de la population à la consommation en valorisant l’aspect plus individualiste de la société au lieu d’assurer l’accès aux droits sociaux (la pleine citoyenneté) et aux services publiques de qualité pour ces nouvelles catégories sociales. Cela a conduit aujourd'hui à être piégé par la durée d’une crise économique globale et systémique. Reste à la Présidente peu de marge de manœuvre d'autant plus qu'elle ne pourra pas rompre totalement avec des politiques qui ont contribué au renforcement de la consommation domestique. L’augmentation du pouvoir d’achat des classes moyennes a provoqué une certaine euphorie consommatrice, l’accès aux biens et services qui étaient auparavant limités aux classes aisées, tels que les plans de santé, les écoles privées, les voyages touristiques et les régimes de retraite privés. Selon l’économiste brésilien Marcelo Neri de la Fondation Getulio Vargas la mauvaise qualité dans la prestation de services a généré chez ce nouveau consommateur un sentiment de frustration.
Mais la politique, l’économie et l'opinion publique sont liées et aujourd’hui le plus grand danger pour la république démocratique brésilienne est l'instabilité politique bien plus que l’instabilité économique. Les moyens de communications qui sont contre le gouvernement sont avec l’opposition pour demander la destitution de la Présidente brésilienne. Les médias diffusent largement des informations négatives sur l’avenir de l’économie brésilienne visant à créer un climat de pessimisme. Ils jouent sur l’émotion et les sensibilités, surtout celles de cette classe moyenne qui voit son pouvoir d’achat baisser et qui juge insatisfaisante l’offre de services publics. Le nouveau gouvernement de la Présidente Dilma rentre ainsi dans une phase de turbulence, les attaques viennent de tous les côtés, même de ses propres alliés de l’aile plus à gauche du PT. En mettant le cap à droite dans la gestion économique du pays elle n’a par son choix ministériel d’autre option qu’une politique d’austérité, une hausse des prix et des impôts. Tout cela ne dérange pas les riches brésiliens, mais cela touche comme toujours les classes populaires et moyennes.
Les difficultés économiques, les problèmes de corruption liés aux pots de vins dans « Petrobras », même si la Présidente a intensifié les mesures pour combattre la corruption et l’impunité, tout cela a donné des gages à l’opposition qui mène une campagne violente de déstabilisation du gouvernement.
La faiblesse de la démocratie brésilienne
Le Brésil redevient une démocratie parlementaire qui n’est consolidée institutionnellement qu’à partir de la constitution de 1988. C’est une démocratie relativement récente. Seulement six élections présidentielles se sont tenues. Son système électoral empêche de constituer des majorités parlementaires stables et engendre des problèmes entravant le plein exercice des compétences du pouvoir exécutif et législatif. Cela implique la nécessité pour les partis de faire des alliances en créant un présidentialisme de coalition. C’est une culture de « mercantilisation » du pouvoir. En réalité les alliances ne se résument pas seulement en négociation politique mais aussi, de transactions financières et cela fait émerger diverses formes de corruption. Il faut ajouter que le financement des campagnes électorales au Brésil est privé.
Le plus aberrant de la démocratie à la Brésilienne est que, pour la plupart, les partis politiques ne parviennent pas à connecter l'intérêt individuel et l'intérêt public, ils agissent plus comme des factions et sont capables de prendre possession de l'intérêt public pour satisfaire leurs intérêts privés et substituer ceux-ci à celui-là. Le Congrès n’est pas une liste de délégués individuels, mais un corps collectif de représentants, c’est à dire, des citoyens avec des différences idéologiques / alliances participant ensemble dans la prise des décisions publiques. La politique au lieu d’être une libre association des citoyens prêts à gérer et organiser la vie sur un territoire, tend à se limiter à un spectacle de petites batailles entre affairistes politiques.
Les grands médias brésiliens jouent presque le rôle d’un parti politique d’opposition. Le monde médiatique, l'Internet et certains réseaux sociaux ne peuvent pas être utilisés pour dénigrer en permanence la politique. Malheureusement les chaînes de TV Globo sont en train de contribuer de manière décisive à l'usure du pouvoir ; elles fragilisent les institutions de la république, vident la politique de son sens commun et de son idéal. Les moyens de communications transforment la politique en une caricature, un spectacle, la privant de sa substance. La grande presse et les chaînes de télévision ont été un instrument de propagande pour développer l'individualisme. Elles cherchent à dépolitiser la vie quotidienne et la politique même. Lorsque la politique est discréditée, les extrêmes émergent y compris ceux qui sont pour la défense d'un système plus autoritaire. Dans les dernières manifestations organisées par les partis d’opposition et grands médias, les groupes fascistes ont été bien présents, comme les mots d’ordre pour demander le retour de la dictature.
Les partis de la droite brésilienne et les secteurs les plus conservateurs de la société, ont toujours eu le soutien inconditionné du quatrième pouvoir- les grands médias au Brésil. Dernièrement, les moyens de communications privés ont joué un rôle stratégique dans la diffusion de leurs idées. Le téléviseur est omniprésent dans tous les foyers brésiliens, si attrayant et populaire, il est capable d’interférer dans la manière de penser, d'agir et d’interagir avec le monde. La télévision est présente dans tous les coins les plus reculés du pays, dans tous les pièces d’une maison, dans les bars, dans les salons de coiffure, les aéroports, les restaurants etc. Jour et nuit allumé, divertissant, distrayant et des - éduquant les personnes. La TV Globo, par exemple, a servi d'outil de propagande pendant la dictature brésilienne. Le paradoxe est qu’aujourd'hui elle dit défendre la liberté d'expression, qui, en fait, devrait être limitée à l'espace qu'ils occupent. Ce sont de farouches opposants à la démocratisation et à la pluralité des médias au Brésil. En plus de soutenir la dictature, les Organisations Globo ont adhéré aux intérêts de la gouvernance mondiale créés d'abord pour élargir l'idéologie néolibérale. Pendant de nombreuses années cette idéologie a mis en place des politiques d'ajustement structurel qui ont affaibli les États en voie de démocratisation en Amérique latine. Les défenseurs de l’idéologie néolibéral (des adeptes de la guillotine des droits) ont toujours exprimé leur allergie à un État Protecteur du bien-être, régulateur socio-économique, ils préfèrent un »Etat Entrepreneur » sans souveraineté capable de s’adapter à la nouvelle réalité de la globalisation économique.
Il y a d'autres façons de s’opposer au gouvernement et au Parti de Travailleurs - le PT - sans mettre en danger la démocratie. Toutefois, ils ne veulent pas utiliser des analyses politiques impartiales ni avoir des critiques constructives et explorer certaines contradictions du gouvernement. L’opposition n’accepte pas la troisième victoire du PT et elle fait tout pour faire chuter la Présidente Dilma Rousseff. Alors toutes les méthodes sont bonnes. Cependant, rien ne justifie la propagation de la haine, et l'utilisation de méthodes fascistes pour éliminer le Parti de Travailleur – PT - de la scène politique et demander la destitution de la Présidente Dilma Rousseff élue démocratiquement au suffrage universel.
Le résultat de cette propagande avec l’appui puissant des médias : l’idéologie du néolibéralisme imprègne les mentalités et l’individualisme prend de l’ampleur. Les brésiliens n’ont pas que besoin d'une réforme du système politique, mais aussi une réforme intellectuelle et morale. Lutter contre le néolibéralisme, n’est tout simplement pas agir contre les grandes puissances, contre le monde de la finance et de la spéculation capitaliste, mais aussi contre la propagation diffusée de ses idées aujourd’hui si présentes. Il est utile de rappeler la phrase de Gramsci disant «Être aliéné est avoir les idées de son adversaire dans la tête."
Ceux qui se présentent aujourd'hui, en tant que défenseurs de la moralité publique n’ont jamais eu un sentiment patriotique, même en ce qui concerne la souveraineté des intérêts économiques. Ils ont très souvent utilisé des méthodes de corruption pour être réélus. Comme disait le sociologue brésilien Adalberto Cardoso, directeur de l'Institut d'études sociales et politiques à l'Université d'État de Rio de Janeiro. « L’Opération Lava Jet (scandale de la Petrobras) démontre que le cœur du capitalisme brésilien est entièrement corrompu. Ça fait mal pour le monde d'affaires et pour les politiques qui utilisent l'Etat à leur profit. Ceux qui défendent le « impeachment » de la Présidente Dilma aujourd'hui veulent la fin de ce nettoyage. Par conséquent, « l’impeachment » sert les corrupteurs et les corrompus ».
Bien sûr, nous ne pouvons pas exonérer le Parti des travailleurs de ses responsabilités concernant le discrédit politique aujourd'hui au Brésil. La dégénérescence éthique de la politique brésilienne date de nombreuses décennies, mais il est inacceptable que certains membres du PT se soient adaptés à la logique de corruption de la démocratie représentative brésilienne.
Une des plus grandes erreurs du PT et de son gouvernement a été de ne pas mettre en place la réforme politique, sa direction est enchaînéeau pouvoir et a oublié la base militante. Il est à noter que les mouvements sociaux sont très indépendants au Brésil car ils ont reçu une bonne formation politique et pour cela ne seront jamais instrumentalisés par le pouvoir et ne vont jamais servir de caution pour les déviations politiques et philosophiques du PT ou donner un soutien politique aux dernières mesures d’austérités du pouvoir exécutif. Personne ne nie les progrès des acquis sociaux au sein des gouvernements Lula et Dilma. Toutefois, pour les militants et sympathisants de la gauche il est impossible d'accepter le virement à droite de la présidente Dilma! La bonne gouvernance ne peut pas être l'otage du marché. Les organisations sociales qui ont eu une formation politique, les gens les plus politisés savent que le néolibéralisme met à mal l’union des forces à travers la menace du chômage. Le retour d'une politique fiscale d’ajustement budgétaire va comme toujours pénaliser les pauvres.
Une autre grande erreur du PT a été d'avoir abandonné l'éducation politique concernant la construction de la citoyenneté, et cela vaut pour toute la gauche brésilienne. Parmi les autres réformes demandées par la société civile organisée qui n'a jamais pris son envol : la réforme de la pluralité des médias et la réforme fiscale. Le PT ne peut pas abandonner son rôle protagoniste dans les transformations sociales construites au cours des dernières décennies. Ou il fait le « mea culpa » et retrouve les liens étroits avec sa base, avec les mouvements sociaux, les syndicats, avec le monde intellectuel, ou il va construire sa propre tombe. Personne ne peut nier que le début du gouvernement "Dilma II" a été désastreux. Mais il serait très hypocrite de croire que la droite et les grands médias attaquent frontalement la présidente Dilma pour avoir omis ses promesses de campagne. Certains accusent la Présidente d'escroquerie électorale, mais ce serait folie d'imaginer que la droite veut que le programme de Dilma se soit mis en œuvre.
Le gouvernement Rousseff a été élu avec des propositions de gauche, cependant, il est tombé dans le piège de la gouvernabilité économique qui, depuis des années s’impose partout. La nomination de la conservatrice Katia Abreu comme ministre de l’Agriculture et M. Levy ancien banquier comme ministre de l’économe, et le silence de la présidente Dilma sur la justification de ces choix ont généré un certain malaise dans sa base politique et surpris la droite elle-même. Vouloir concilier les contraires a toujours mené la gauche à la défaite au Brésil ou ailleurs!
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