Rencontre mondiale des « Femmes en Noir »

Les femmes colombiennes invitent des organisations du monde entier contre la guerre et la violence machiste

08/08/2011
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Sur une trentaine de pays en proie actuellement à des conflits armés, 19 d’entre eux connaissent cette situation depuis plus de 20 ans. En 50 ans d’affrontements, la Colombie a vu naître de nombreux mouvements sociaux, y compris ceux des femmes, qui préconisent une solution politique négociée. Du 15 au 20 août 2011, la « Route pacifique des femmes » (Ruta Pacífica de las Mujeres) organise la XVe rencontre mondiale des « Femmes en Noir », réseau mondial d’organisations qui s’opposent à la guerre. C’est la première fois que ce réseau tient son assemblée en Amérique latine. « Une séance historique », estime l’avocate colombienne Marina Gallego Zapata, coordinatrice nationale de la « Ruta pacifica » et cheville ouvrière de cette rencontre qui se tiendra dans la capitale colombienne, Bogotá.
 
Q : Quelle est l’origine des « Femmes en noir » ?
Marina Gallego Zapata (MGZ) : Les « Femmes en noir » sont nées en 1988, lorsque les femmes Israéliennes protestaient contre leur gouvernement en s’opposant à la politique d’occupation des territoires palestiniens. Ultérieurement, les femmes de l’ex-Yougoslavie ont rejoint le mouvement, ainsi que les Italiennes, les Espagnoles. Ainsi, plusieurs organisations dans le monde se sont identifiées à ces idéaux, à ces positions que partagent aujourd’hui toutes les organisations de femmes qui appartiennent à ce réseau.
 
Q : Comment la « Ruta » s’est-elle intégrée à ce réseau international ?
MGZ : En 2011, la « Ruta » a reçu le prix « Millenium de la paix pour les femmes », conjointement avec les « Femmes en Noir » et avec trois femmes à titre individuel. Cette récompense a permis une reconnaissance mutuelle de nos positions par rapport au féminisme, à l’antimilitarisme, au pacifisme et a entraîné l’adhésion de la « Ruta » au réseau international des « Femmes en noir contre la guerre ». Depuis lors, dans les différentes régions de Colombie, nous organisons le dernier jeudi de chaque mois le piquet des « Femmes en noir contre la guerre ».
 
Q : Et pourquoi la rencontre qui va se tenir à Bogotá ?
MGZ : Régulièrement, les « Femmes en noir » se réunissent pour partager leurs opinions, discuter les nouvelles formes de violence contre les femmes, se solidariser les unes avec les autres et s’exprimer contre les guerres. A cette occasion, nous avons décidé de nous réunir en Colombie, c’est-à-dire pour la première fois en Amérique. Cela nous remplit de joie, non seulement parce que nous accueillons cette rencontre, mais parce que celle-ci se tient à un moment de grande tension politique et sociale dans mon pays. Et cette présence nous permettra de rendre visible et de dénoncer à l’opinion publique nationale et internationale les différentes formes de violences contre les femmes, engendrées par la guerre et la militarisation de la société. Nous allons en plus élaborer des agendas de travail pour le mouvement international des femmes, pour l’avènement de la paix et le respect des droits des femmes au niveau mondial. Voilà l’objectif de la rencontre et je suis sûre que nous allons y parvenir.
 
Q : Qui y participera ?
MGZ : Il y aura des déléguées du monde entier, ainsi que plusieurs dizaines de représentantes de la « Ruta » et d’autres organisations colombiennes. Nous attendons aussi la présence de représentant-e-s d’organismes internationaux qui soutiennent cette initiative : SUIPCCOL et E-CHANGER de Suisse ; Cooperacciõ et Intermon- Oxfam de Espagne ; la GIZ (Allemagne) ; ONU femmes ; Global Found for women ; le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas ; la Consejería en proyectos (PCS); Diakonia, entre autres. Cet appui international constituera aussi une sorte de protection pour la rencontre.
 
Q : Quelle répercussion effective peut avoir cette rencontre sur la vie même de la « Ruta » ?
MGZ : Pour la « Ruta », cela signifiera une rénovation de ses engagements, une reconnaissance mutuelle avec les « Femmes en noir » des autres pays », une solidarité les unes avec les autres, échanger et apprendre avec et des autres femmes venant de pays souffrant de manière directement ou indirecte les atrocités de la guerre. Cette rencontre signifiera nous rassembler comme femmes contre la guerre. Pour nous, elle est très importante, parce qu’elle signifie aussi d’insister sur le thème de la négociation, de l’urgente nécessité d’une solution politique négociée au conflit armé en Colombie. Il faut relever par là même un autre élément important : la reconnaissance publique nationale et internationale d’une rencontre de ce type. Parce que cela génère un espace de protection tant pour la rencontre que plus spécifiquement pour la « Ruta », spécialement à un moment où notre organisation a reçu des menaces.
 
Q : Y aura-t-il une présence ou une représentation de la « Marche mondiale des femmes » ? Quelle est aujourd’hui la relation entre la « Ruta » et la Marche ?
MGZ : Pour nous, il serait intéressant de pouvoir aussi partager nos opinions sur ce point ou sur d’autres. La « Ruta » ne fait pas partie de la Marche, mais nous connaissons son travail en faveur des femmes visant à éliminer les causes de leur pauvreté et des violences exercées contre elles. Nous sommes toutes des lutteuses, nous sommes toutes des femmes qui veulent un monde meilleur pour toutes et pour tous.
 
- Sergio Ferrari, en collaboration avec Shima Pardo
Traduction H.P. Renk
 
 
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Portrait de Marina Gallegos et la Ruta
 
Marina Gallego est avocate diplômée de l’Université d’Antioquia et actuellement elle termine une maîtrise intitulée « Défense des droits humains et droit international humanitaire devant les organismes, cours et tribunaux internationaux ». Elle se définit comme « féministe active et travailleuse inlassable dans la promotion et la défense des droits humains des femmes et du droit international humanitaire, selon une perspective féministe ». Elle plaide pour « la solution négociée du conflit, selon la perspective des femmes ». Dans un pays qui connaît depuis 50 ans un conflit armé, « je suis convaincue que la seule manière d’obtenir la paix passe par la négociation politique. Ni la guerre, ni les armes ne sont une option, et nous travaillons et plaidons pour cette négociation », souligne-t-elle. En 1996, avec d’autres femmes représentant diverses organisations, Marina Gallego fut l’une des fondatrices du mouvement « Ruta Pacífica de las Mujeres ». « Nous avons fait notre rite d’initiation à Mutatá, Urabá-Antioqueño, où s’est terminée la grande première mobilisation de la ‘Ruta’ à laquelle ont participé plus de 5.000 femmes », rappelle-t-elle. Depuis ses débuts, la « Ruta » fut « différente des mouvements traditionnels que les femmes connaissaient. Les femmes qui assistent aux mobilisations et participent à la ‘Ruta’ le font de manière autonome et consciente, avec une préparation préalable et comme exercice de souveraineté individuelle et collective, avec une position claire sur le féminisme et le pacifisme », explique Marina Gallego.
Depuis sa fondation la « Route pacifique des femmes » constitue un espace politique et programmatique. Il s’agit d’une proposition politique féministe, qui préconise la défense, la protection et la restitution des droits humains des femmes. Elle lutte pour renforcer la démocratie et pour une solution politique au conflit armé. Elle fait partie d’un mouvement citoyen pour la paix en croissance, qui dit non à la guerre du point de vue de la société civile, souligne Gallego.
 « Nous œuvrons pour que les femmes ne soient pas seulement vues, ni ne s’expriment comme survivantes de la guerre, mais aussi comme actrices sociales et politiques du processus de négociations et de construction de la paix. Depuis plus de 50 ans, nous vivons dans un contexte de violence : dans ce contexte de guerre, qui frappe la Colombie, les acteurs armés violent des femmes, empêchent la mobilisation et l’organisation de celles-ci et conditionnent leurs formes de vie, sous la menace d’en faire des objectifs militaires. Ils assassinent aussi les femmes en raison des liens familiaux et affectifs que celles-ci peuvent avoir avec l’un o l’autre des acteurs armés. Les femmes sont fatiguées de toute cette situation ; pour cette raison, les organisations qui participent à la « Ruta » construisent de nouveaux langages, un nouveau symbolisme pour tenter de contrecarrer la guerre. D’où les marches, les rencontres, les mobilisations, les piquets – c’est-à-dire les formes les plus diverses pour montrer à la société colombienne et à la communauté internationale de nouveaux formes de résistances et de langages de paix » (Sergio Ferrari)
https://www.alainet.org/de/node/151762
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