Le Sud oublié par la grande presse helvétique

22/06/2011
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La tendance est nette : les grands médias helvétiques informent toujours moins sur l’Amérique latine, l’Afrique ou l’Asie. Cette réalité motive une réflexion pour les organisations vouées à la coopération avec le Sud.
 
De 1960 à 1991, la Neue Zürcher Zeitung, le Tages-Anzeiger et le Blick – trois des plus importants journaux suisses-allemands - ont consacré 11 % de leurs colonnes à l’Amérique latine, 17 % à l’Afrique et 19 % à l’Asie, sur l’ensemble des espaces d’informations internationales sur le « Sud global ».
 
Durant les deux dernières décennies – depuis 1992 -, ces mêmes journaux ont réduit cette ouverture de manière significative : 2 % pour l’Amérique latine, 4 % pour l’Afrique et 9 % pour l’Asie. Le Proche-Orient s’est maintenu durant toute cette période, avec des nuances de contenus thématiques, en occupant 47 % de l’information internationale.
 
« L’attention accordée au Sud global a baissé dans l’espace médiatique suisse. Durant la guerre froide, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine occupaient 47 % de l’information internationale consacrée aux thématiques du Sud. Depuis 1992, cet espace s’est réduit à 15 % », explique le sociologue suisse Kurt Imhof, professeur à l’Université de Zürich et spécialiste de la communication et de l’information.
 
Le 32 % perdu par ces trois continents fut occupé par la guerre des Balkans, la globalisation et ses différentes facettes et crises, la lutte contre le terrorisme, souligna Imhof à l’ouverture du débat sur les « médias suisses et le Sud global », organisé le 3e mardi de juin à Berne par Alliance Sud pour célébrer son 40e anniversaire.
 
La plateforme regroupe Caritas, Swissaid, l’Action de Carême, Helvetas, Pain pour le prochain et l’Entraide protestante (HEKS-EPER), 6 des plus importantes organisations non-gouvernementales suisses de coopération.
 
Le poids du marché
 
A quelques exceptions, « il est clair que les médias suisses actuels ont relégué à l’arrière-plan, durant ces dernières années, l’information substantielle sur le Sud », affirme Remo Rey. Journaliste connu et écrivain suisse, Remo Rey fut pendant trente ans correspondant pour l’Amérique latine des quotidiens Tages-Anzeiger (Suisse) et Frankfurter Rundschau (Allemagne).
 
Rey démystifie la thèse couramment soutenue par les grands groupes de presse, selon laquelle le public ne s’intéresse aux informations provenant des régions les plus reculées de la planète que dans la mesure où elles concernent des catastrophes et ont un rapport direct avec le citoyen moyen.
 
« La question centrale, c’est de susciter l’intérêt du lecteur avec une vision de fond, intéressante, voire dramatique dans certains cas par rapport à ces régions. L’argument général, que l’on entend aujourd’hui, me paraît une simple excuse, à très bon marché », souligne Rey.
 
Et d’ajouter : « Comme si le public dictait vraiment les priorités ! Nous savons bien que ce n’est pas le cas. L’information est devenue une marchandise, c’est le marché qui commande et définit tout ».
 
Rey plaide en faveur d’une information différente. « Dans les secteurs auxquels j’ai accès, j’essaie de susciter l’intérêt chez les gens du Sud. Pour leur démontrer qu’il existe aujourd’hui plus de possibilités qu’auparavant d’accéder à des sources alternatives d’information, très valables. Il faut sortir du schéma consistant à regarder seulement les grands médias pour s’informer sur d’autres réalités lointaines ».
 
Médias et coopération
 
En 1971, l’information de la population suisse sur ce que l’on définissait alors comme le « Tiers Monde » a constitué l’un des objectifs principaux, qui donnèrent naissance au « Service d’information Tiers Monde », embryon de l’actuelle Alliance Sud, explique Pepo Hofstetter, responsable à l’information de cette plateforme.
 
« Nous pensons qu’il est important de célébrer notre 40e anniversaire selon la perspective de ces défis de base, en actualisant la réflexion sur la couverture actuelle en Suisse de l’information internationale », précise-t-il.
Hofstetter estime que, pour susciter l’intérêt de la population sur ce thème spécifique, il est important de s’adapter aux nouveaux médias (par exemple électroniques), d’analyser le message utilisé et de définir des axes appropriés.
 
En 2007, la dernière grande campagne des ONG suisses, rappelle Hofstetter, a permis d’obtenir plus de 200.000 signatures en faveur de l’augmentation de la coopération au développement (objectif fixé par l’ONU : 0,7 % du produit intérieur brut national). « Un succès évident, produit d’une information pertinente ».
 
Les exemples sur le vécu quotidien des populations du Sud, leurs défis, leurs potentialités, ne doivent pas être omises dans ce travail, soutient Hofstetter. Il prévoit à court termes de nouvelles actions des ONG, comme la campagne qui sera lancée durant le second semestre de cette année pour exiger de la part des entreprises suisses présentes dans le Sud le respect des droits humains et une transparence totale.
 
- Sergio Ferrari
Traduction Hans-Peter Renk, collaboration E-CHANGER
 
https://www.alainet.org/de/node/150699
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