À qui sert l'accord avec le FMI ?

05/03/2003
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A
C'est devant un auditoire bondé, dans lequel on avait hissé des banderoles de Tahuantinsuyo (Nom que les Incas donnaient à leur empire avant la colonisation, le nom "Pérou" étant une création espagnole) et où l'on pouvait entendre des cris de protestation contre la proposition de création d'une zone de libre échange des Amériques (ALCA), qu'ont débuté à Quito les conférences de la Rencontre Continentale de Réflexion et d'Echange : « Une autre Amérique est possible ». Cette Rencontre se déroule dans le cadre des Journées de Résistance Continentale contre l'ALCA qui ont lieu dans plusieurs pays de la région pendant tout le mois d'octobre parallèlement à d'autres événements tels que la rencontre des parlementaires, le forum des chefs d'entreprise et la réunion des ministres du commerce, et l'on y discute sur le thème de L'ALCA. La Rencontre Continentale de Réflexion - qui s'est déroulée entre le 28 et le 30 octobre, en Equateur - a eu notamment pour objectif de faciliter une meilleure compréhension des vrais desseins de l'ALCA. A cette fin, la première conférence, à laquelle ont participé des experts de sept pays du continent, a abordé la relation qui existe entre l'ALCA, la dette extérieure et la croissante militarisation de l'Amérique Latine et des Caraïbes. Au cours d'une précédente rencontre, organisé par le Jubilé- Amérique du Sud, en mai dernier, à Quito, on avait déjà analysé cette relation entre l'ALCA,la dette extérieure et la militarisation. A cette occasion, on a pu expliquer que ces trois thèmes sont « des axes stratégiques complémentaires d'un seul projet d'expansion et de consolidation de l'empire nord-américain » (Déclaration du Jubilé-Amérique du Sud). Parce que, en premier lieu, L'ALCA essaie de « créer un bloc régional dominé par les Etats- Unis, capable de faire face à la concurrence de l'Union Européenne et du bloc asiatique dans la lutte pour l'hégémonie économique, géopolitique et culturelle du monde ». Mais aussi parce que la dette extérieure remplit également un rôle d' « appropriation des excédents des pays latino-américains par voie financière ». Et finalement, parce que la militarisation est, à son tour, une « garantie armée de l'hégémonie hémisphérique et globale des Etats- Unis ». Sour Elsi Monge, de la Fédération Equatorienne des Droits de la Personne, modératrice de la conférence, a rappelé que les Etats-Unis ont installé quatre bases militaires sur le continent, à Manta (Equateur), Curaçao, El Salvador et Aruba. De plus, il existe une proposition de créer deux bases de plus : une à Alcantara, au Brésil, et une autre en Terre de Feu, en Argentine. A ces bases, s' ajoute le Plan Colombie, qui est une initiative militaire des Etats-Unis, destinée à lutter contre le narcotrafic. Le colombien Hector Leon, l' un des intervenants et membre de l'Institut Latino-américain de Services Juridiques Alternatifs (ILSA), a signalé clairement que le Plan Colombie (aujourd'hui transformé en un projet plus ample que celui de l'Initiative Régionale Andine), est, en réalité, un « projet militaire anti-insurrection », c'est à dire, un projet contre tous ceux qui s'opposent au système et qui aujourd'hui sont considérés par les Etats-Unis comme des « terroristes ». En plus du cas colombien, les intervenant(e)s ont présenté d'autres expériences qui mettent en évidence la militarisation croissante de l'Amérique Latine. Ainsi par exemple, Gilberto Lopez y Rivas, du Réseau Mexicain d'Action contre le Libre Echange (RMALCO), qui a participé à la Commission de Concordance et Pacification (COCOPA), créée pour trouver des solutions au conflit au Chiapas, a expliqué qu'aujourd'hui le gouvernement mexicain de Vicente Fox suit la même stratégie mis en place par le régime précédent contre l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN). Il s'agit d'une "guerre d'usure"- a déclaré Lopez y Rivas, c'est à dire, une succession de petites opérations contre la population civile et le style de vie des populations indigènes. Pour mener à bien cette « guerre », le gouvernement mexicain utilise une variante du modèle guatémaltèque, qui utilise des groupes paramilitaires d'origine indigène (« la crosse doit être du même bois » ), qui entreprennent des actions dont le gouvernement ne peut pas se charger directement. « On a dénoncé la présence de ces groupes paramilitaires- a signalé Lopez y Rivas-, mais rien n'a été fait à cet égard ». De plus, l'expert mexicain a spécifié que, depuis 1994, lorsque le Traité de Libre Echange d'Amérique du Nord (TLCAN), signé entre le Mexique, le Canada et les Etats- Unis, est entré en vigueur, les soldats mexicains représentent le groupe le plus importants de latino- américains qui suivent une formation dans les écoles militaires des Etats-Unis, pour apprendre les techniques anti-insurrectionnelles. Bien que le panorama soit assez sombre, les intervenants ont insisté sur le fait que « sans résistance il y n'y a pas d'alternatives », et ils ont appelé à dresser des ponts et à réunir les efforts des différentes organisations sociales du continent contre l'ALCA et contre les projets de militarisation de la région. « Jusqu'à quand vont-ils continuer à parler en notre nom ? » s'est demandé Evo Morales, le leader paysan et ex-candidat à la présidence de Bolivie, qui a proposé de mettre à exécution des alternatives conjointes pour, comme l'ont fait les peuples indigènes dans certains pays de la région, récupérer le pouvoir politique et nous gouverner nous-mêmes. "On ne paye pas la dette, la dette est déjà payée" Adolfo Pérez Esquivel (Argentine), Prix Nobel de la Paix ; Alberto Acosta, économiste équatorien ; Marcos Arruda, de Politiques Alternatives pour le Cône Sud (PACS), du Brésil, et Beverly Keene, de Dialogue 2000, Argentine, ont été quelques-uns uns des intervenants qui ont essayé d'expliquer la relation qui existe entre l'ALCA et la dette extérieure, et la relation entre cette dernière avec les processus de militarisation du continent. Entre 1997 et l'an 2000, l'Amérique Latine et les Caraïbes ont transféré en paiement de la dette extérieure un total de 583.000 millions de dollars, en plus des 192.000 millions de dollars d' intérêt. Cependant, Marcos Arruda a expliqué que la dette continue à augmenter, qu'elle est payée avec nos réserves internationales et que cela implique moins d'argent pour l'investissement en matière sociale dans chacun des pays latino-américains. De son côté, Alberto Acosta a signalé que la dette est un instrument de domination et que cela implique la possibilité d'introduire des mesures d'ajustement structurel en Amérique Latine et dans les Caraïbes. « Nous ne devons rien, la dette est payée, et cela peut se prouver de manière mathématique et financière », a insisté Acosta, en signalant que cette proposition de non-paiement ou d'annulation de la dette extérieure doit se concrétiser sous la forme de propositions tangibles et communes de la part des pays de la région. Acosta a aussi expliqué que plusieurs organisations du continent, réunies dans le Jubilé-Amérique du Sud, ont formulé, au cours d'une réunion il y a quelques mois, la nécessité de chercher une structure juridique pour garantir la proposition de non-paiement de la dette extérieure. Ainsi, nous cherchons à constituer un Tribunal International qui introduise ce droit qui n'existe pas aujourd'hui, et pour lequel les débiteurs sont traités comme des criminels et les créditeurs jouent à la fois les rôles de juge et partie. Une proposition est de promouvoir le plus vite possible un processus d'audit des dettes existantes. "N'importe quel débiteur a le droit de ne pas remplir son contrat si les exigences et conditions de paiement le conduisent à une situation inhumaine », a expliqué l'économiste équatorien, et il a ajouté que la dette ne peut continuer à être un obstacle au développement humain de la région. Par conséquent, l'alternative est d'introduire ce droit, de faire face au thème de la dette sur le plan politique, avec des paramètres et des arguments clairs et, s'il reste encore quelque chose à payer, s'en acquitter, sans mettre en péril les projets sociaux. Pour les intervenant(e)s de cette première conférence et réflexion sur ce que signifie l'ALCA, le défi aujourd'hui pour l'Amérique Latine et les Caraïbes est de réunir les efforts et d'avoir un propre projet de développement, un projet qui promeuve des sociétés plus équitables et solidaires. Sinon, ALCA ou pas, l'Amérique Latine continuera à subir les effets des pressions de la dette extérieure et des initiatives d'intervention dans la région de la part des Etats-Unis. Pour Adolfo Pérez Esquivel, il est d'une part nécessaire de vaincre les divisions et le peu d'unité latino-américaine d' aujourd'hui et, d'autre part de présenter des alternatives communes, car « nous ne nous résignons pas à être des esclaves ». Traduction : coorditrad@attac.org (Le Grain de Sable). Article original : "ALCA, deuda externa y militarizacion". © COPYLEFT Agencia Latinoamericana de Información 2002.
https://www.alainet.org/de/node/109641?language=en
America Latina en Movimiento - RSS abonnieren